Avec Luc Besson, c'est tout ou rien, le chaud ou le froid, le détestable ou l'adorable, et c'est une qualité - ne pas laisser insensible - qu'il a toujours revendiquée. A l 'époque de sa sortie, j'ai vu deux fois Le Cinquième élément : j'ai adoré. Et puis j'ai détesté. Le mélange des genres, des émotions, ce goût de l'aventure, cette "coolitude" - mais surtout cet emballement médiatique qui en a fait un chef-d'oeuvre de SF réalisé par un frenchie avec des pointures US (Willis, Oldman, Ian Holm et pléthore de seconds couteaux immédiatement reconnaissables). Les Bronzés 3 n'existaient pas encore, et la notion d'escroquerie à la sur-représentation n'avait pas atteint son apogée. Parce que reconnaissons-le, Le Cinquième élément, techniquement, même si l'ensemble a plutôt vieilli, c'est du lourd, et Besson est malin et a assez de cinéma derrière lui pour rendre son spectacle au moins efficace ; pour le reste, que tout cela semble niais, enfantin, instantanément démodé, et surtout jamais original.
On commence avec une séquence façon Indiana Jones, tout du moins entre le serial et la SF des 50s, on enchaîne avec la présentation d'un monde futuriste qui semble une version colorisée et flashy du Metropolis de Fritz Lang. L'intrigue tient sur le coin d'un papier buvard - entre deux climax, du remplissage, avec un caméo de Mathieu Kassovitz improbable, Gary Oldman en roue libre, des monstres en caoutchouc (allez, on préfère ça quand même aux CGI), un Chris Tucker à la fois insupportable et seule bouffée de rire, et une scène d'opéra qui engendre une véritable émotion que Besson vient abattre à coup de techno-rap qui ne sert qu'un montage alternatif creux.
Reste Leeloo, la découverte Mila Jovovich, qui insuffle un peu de fraîcheur, et dont l'image reflète l'amour de son réalisateur. Elle est vraiment l'élément central, le moteur. Dommage qu'elle soit sacrifiée dans un final larmoyant d'une naïveté confondante, avant un épilogue pompé à n'importe lequel des James Bond époque Sean Connery.
Le Cinquième élément confirme le départ de Besson pour un cinéma plus populaire, moins exigeant, à la recherche constante de ce qui va plaire au public, se jouant de lui comme d'un prospect. Un public, ça se respecte.