Werner Herzog, reconnu comme l'un des représentants majeurs du nouveau cinéma allemand des années 1960-1970, ne compte pas moins d'une cinquantaine de films à son actif, en tous genres. Fictions, documentaires, courts-métrages, pièces de théâtre, sa polyvalence dans les styles lui a permis de se construire une carrière de cinéaste florissante et une notoriété en béton, faisant de lui un artiste à part entière à l'identité confirmée. Parmi toutes ses réalisations, The Wild Blue Yonder, l'une des dernières en date, est la seule traitant de sujets propres à la science fiction.
The Wild Blue Yonder, un titre aux sonorités fluides et agréables, énigmatique et empli de mystère. La grande bleue, le bleu du ciel, le ciel bleu sauvage, peu importe, le spectateur semble être comme absorbé par fascination au cœur de cette bizarrerie, racontant l'histoire d'un extraterrestre originaire d'une planète océan, arrivé sur Terre dans l'objectif de former, en compagnie de ses semblables, une communauté, mais sans succès. Une fable complètement hallucinée pour un casting des plus minimalistes, avec un Brad Dourif délirant dans le rôle titre, narrant son histoire tel un insurgé pessimiste et ironique, fatigué de ses échecs passés. Le tout illustré par de réels plans spatiaux datant de la fin des années 80, empruntés poliment à la NASA, de longues séquences aquatiques et contemplatives sous la banquise pour représenter la mystérieuse planète, et d'instants purement théoriques en compagnie de scientifiques expliquant la constante de Jacobi ou encore les tunnels spatio-temporels...
Le film ne cache décidément pas son aspect documentaire mais prouve clairement son originalité dans sa manière de lier deux entités pourtant bien distinctes. Terre et planète lointaine, fiction et documentaire, image et musique, Herzog et Dourif ; tous duos semblent confirmés et se relient entre eux pour en faire ressortir une poésie atypique des plus singulière, des plus touchantes et déstabilisantes. Les yeux rivés sur l'écran, plus rien n'existe autour du spectateur. Tout n'est que pureté et évasion, dans une ambiance lyrique dépaysante, aux accents mystiques et existentiels.
The Wild Blue Yonder n'est peut-être pas un film ouvert à tous et difficile à décrire, mais reste le symbole d'une identité des plus authentiques, en quête permanente d'aboutissement. Il est le reflet d'une sérénité certaine, d'un réalisateur accompli, modeste et qui, à travers ces moments tous aussi anodins, ne montre qu'une minuscule parcelle de tout son talent de cinéaste. Le film prend de l'âge mais le mystère perdure...