La gauche américaine est un terreau construit par les carences de la droite. «Lions for lambs» (USA, 2007) de Robert Redford, éminent représentant de la pensée gauchiste américaine est bâti de ruines, érigé par des lambeaux d’idées dont la glose interminable développe le ridicule pathétique. La gauche américaine, celle qui s’accomplit dans les rues, n’est pas ridicule en-soi. Ce qui la rend ridicule n’est que la représentation que le cinéma donne d’elle. Et comme les Etats-Unis unissent l’idée et la représentation en un seul objet, comme accomplissant la prophétie de Bergson ou l’être et son image ne font qu’un, la gauche américaine est aux yeux du monde celle du cinéma. Constitué de longs dialogues, le film de Redford découpe le monde par une vision dichotomique, divisée en deux pôles, réduite à un champ-contre champ inaltérable. Mettant en en scène différentes luttes des pouvoirs (entre un homme politique et une journaliste, un élève et son professeur, le front et l’arrière) de manière flegmatique et rationnelle, Redford entend déplier le brouillamini de la guerre. Belle ambition que la pauvreté outrageuse de la mise en scène rend inefficace. Et pourtant l’efficacité du propos, que conduit la dialectique bipolaire du film, est un objet nécessaire à son appréciation. En surchargeant son œuvre de dialogues et de débats, Redford aspire à prouver la folie de la guerre en Irak. La gauche américaine est bien pensante et plutôt que de déléguer, comme le cinéma est en droit de le faire, le mouvement de la pensée aux images, il préfère laisser les dialogues expliquer avec une grande concision l’enjeu du film. La gauche américaine, telle que la représente Redford et tout Sundance se désengagent de la puissance du cinéma. Le cinéma indépendant américain ne croit plus dans le pouvoir des images et, dans un geste d’une grande teneur réactionnaire, préfère tout laisser reposer sur le dialogue, sur l’écrit, sur le parlée rhétorique des grecs. Peut-on être plus archaïque ?