"Jeux de Pouvoir" est une adaptation de la série britannique du même nom, et le réalisateur ainsi qu'Helen Mirren qui joue le rôle de la rédactrice en chef viennent tous deux du Royaume-Uni. Cependant, tout dans le scénario et la réalisation évoque les Etats-Unis : les plans d'ouverture nous montrant le Capitole et les bords du Potomac, la commission parlementaire, jusqu'au bâtiment du Watergate qui reprend du service. Quant au Washington Globe où officient Cal et Della, il suffit de regarder la calligraphie gothique de son titre pour comprendre qu'il s'agit du Washington Post, celui des "Hommes du Président".
Pourtant, nous ne sommes visiblement plus dans les années 70, comme le montre l'intégration au coeur du scénario d'un scandale politico-sexuel avec conférence de presse en présence du mari repenti et de l'épouse bafouée comme en raffolent les Américains, de l'affaire Levinski aux scandales Spitzer ou Sandford. De même, le quatrième pouvoir a un peu perdu de sa superbe, rabotée par les aléas de la modernité : rachat du journal par de nouveaux actionnaires plus préoccupés de l'équilibre des comptes que du triomphe de la vérité, concurrence interne des blogueurs du journal qui poussent vers la sortie les dinosaures de l'enquête à l'ancienne.
Dans sa Saab 1990 (Pourquoi dès qu'un personnage d'un film US doit montrer sa singularité, les scénaristes l'affublent d'une européenne vintage ?), cheveux longs seventies et bedaine de quinqua, Russel Crowe incarne avec conviction ce survivant du journalisme inquisitorial de la belle époque, dont la connaissance de tous les flics du MPD permet d'avoir accès aux infos avant tout le monde. En contrepoint, Ben Affleck joue un politicien lisse aux idées progressistes et au comportement personnel ambigu. La fadeur de son jeu, presque dérangeante au début, prend son sens au fur et à mesure que progresse l'intrigue.
La mécanique narrative bien huilée alterne les différents niveaux du récit : scandale politique, complot militaro-industriel, concurrence journalistique et affaires de coeurs mal résolues, certainement la partie la plus convenue et la moins convaincante. Il y a un rythme indéniable, des personnages qui ont du corps, comme la rédac chef jouée par une Helen Mirren jurant comme un charretier ou la jeune journaliste coincée entre éthique et ambition. Pourtant, la multiplication des fausses pistes et quelques erreurs de tonalité (la scène de la confession filmée à l'hôtel) finissent par lasser, et on se dit une fois encore que 127 minutes, c'est quand même bien long.
La notation dans ces colonnes de "Jeux de Pouvoir" souffre du temps que j'ai mis à rédiger la critique, baissant d'un demi point chaque jour depuis que je l'ai vu, préfigurant l'oubli rapide de ce film de début d'été, habile et rythmé mais sans relief notable ni scène mémorable.
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