C’est un titre assez mystérieux qu’a choisi Bruno Dumont pour cette chronique de la vie d’adolescents désœuvrés dans un village du nord de la France qui paraît lui aussi laissé au bord du chemin. Chronique qui privilégie le portrait d’un d’entre eux, Freddy, malade physiquement, il est épileptique, malade socialement, il est chômeur, orphelin de père et peu cultivé. Un terreau propice à un horrible fait divers. Dit comme cela, on pourrait craindre le pathos, mais le film est tout le contraire. Ce qui est immédiatement et absolument frappant, c’est l’impression de véracité qu’il dégage : celle des lieux quotidiens, comme le bar tenu par la mère de Freddy, celle des seuls moments de vie collective, comme ceux vécus avec la fanfare, celle des personnages eux-mêmes, toujours regardés avec empathie et lucidité, à l’exclusion de tout jugement ou sentimentalisme. Le choix de ne faire appel qu’à des non professionnels pour incarner ces personnages contribue à cette impression (celui de David Douche en particulier, garçon du cru à la forte présence charnelle, dont ce sera le seul film, qui deviendra SDF et mourra tragiquement et prématurément). Le film se caractérise aussi par sa radicalité, presque documentaire ; pas de recherche d’effets dans cette plongée dans ce quotidien ; pas de musique d’accompagnement pour souligner ou amplifier ce qui est montré : l’environnement sonore se limite au son de la télévision allumée en permanence ou -surtout- au bruit des motos qui pétaradent lors des virées effectuées par la bande. Par sa crudité aussi, dans les dialogues et les images, qui donnent une grande place à la chair, d’autant plus grande que l’esprit n’en a pas beaucoup chez ces déshérités.
Pour en revenir au titre, peut-être peut-il être rapproché de deux moments de grâce ; lorsque Marie demande furtivement pardon à Kader, et lorsque, allongé dans un champ, Freddy semble prendre conscience, regretter et demander, lui aussi, pardon. Dans ces deux cas la caméra s’élève et interroge les cieux.