Ces jeunes du Nord aiment la mobylette. Ils font des tours, à fond, dans la ville, dans la campagne, toujours plus vites, et pourtant ils n'avancent pas. Dès qu'ils touchent terre, ils se font chier (cf la scène où ils sont assis et doivent attendre, et subitement le héros s'en va, excédé par l'ennui).
Comme souvent chez Dumont le cadre est laid, les personnages le sont, le phrasé, tout est laid, même si le mot laid a une connotation assez péjorative que lui-même ne reconnaîtrait sûrement pas ; c'est surtout réaliste, Dumont est assez fin pour nous montrer que non ce n'est pas un simple constat amère et critique de la vie dans une petite ville du Nord, et même si à quelques moments on peut légitimement s'en douter la tournure que prend le film montre exactement que ce n'est pas le cas.
Car Dumont n'est pas si intransigeant que ça envers ses personnages ; pourquoi le film s'appellerait-il La Vie de Jésus sinon ? Oui, dans cette sorte de malheur ambiant que l'on voit tous peut subsister des instants de bonheur, eux qui vont sur la plage, et font rouler la voiture à la limite des vagues, eux qui prennent leur moto et vont à fond...
A côté de ça oui, il y a de la tristesse. Cet amour brutal, désir instinctif, presque animal, que revendique tant le héros - qui s'oppose totalement à la naïveté de Kader - et filmé de manière tout aussi brutale par Dumont. La tristesse de tous les jours, le pote qui meurt du sida, et le deuil du frère - à ce titre la scène où il se "confie" et dit ne pas vouloir avoir de copine pour faire le deuil, suivi d'un "j'me sens mal", avec la gueule qu'il tire, c'est à chialer, ce genre de scène on pense l'avoir vu mille fois, réaction de désespoir après la perte d'un être cher, mais ici c'est bouleversant, c'est bien la première fois que ça m'atteint autant, c'est d'une émotion...
La violence guette, il suffit d'un rien pour faire le faux pas, essayer par tout autre moyen de combler l'ennui, rechercher autre chose, et on bascule ; les ennuis arrivent, le héros est allongé dans l'herbe, dans le fossé, dans une posture quasi-biblique, il paraît repenti.