Après deux belles réussites plutôt inattendues avec "Re-Animator" et "From Beyond : Aux Portes de l’Au-delà", Stuart Gordon décida une nouvelle fois que s’attaquer à un script aussi étonnant qu’intriguant : des poupées animées et violentes ! Et oui, des années avant la célèbre franchise des "Puppet Master" et un an tout pile avant le premier "Chucky, Jeu d’Enfant", Gordon était donc un précurseur. Mais cette fois-ci, notre ami se la joue un peu moins trash et mauvais goût…mais ce n’est pas pour autant qu’il se lança dans un film simpliste sans réel contenu. Si, aux premiers abords, le scénario est d’une banalité presque affligeante quand on connaît un peu le genre du slasher movie (un père, sa nouvelle compagne et sa faille se retrouvent bloqués sur une route de campagne et décident d’aller se réfugier dans une demeure avoisinante. Les propriétaires, un vieux couple de fabricants de jouets, les accueillent à bras ouverts et leur proposent de passer la nuit chez eux au chaud pour se reposer), le film prend alors une tournure aussi agréable que surprenante : Stuart Gordon est un amateur de films d’horreur, et en tant que véritable amateur, Il en connaît toutes les ficelles (il les a déjà utilisées en long et en large dans ses deux précédents métrages). Alors ici, il décide de jouer sur les clichés pour finalement s’en servir comme support de son récit : tout d’abord, il accentue à mort le contraste, l’éclairage et les couleurs pour faire de la bicoque des vieux des allures de sombre manoir gothique. Bien entendu, cela permet la métaphore d’une maison pour poupées, venant ainsi corroborer la profession du grand-père. Ensuite, Gordon se permet de stéréotyper à l’extrême ses protagonistes : d’un côté on a les méchants (le père et sa compagne qui déteste la petite fille, les deux jeunes femmes maquillées comme Paris Hilton qui se serait déguisée en Ziggy Stardust), de l’autre on a les gentils (la mimi petite fille innocente et Ralph, un sympathique adulte aux croyances enfantines) et au milieu de tout ça on a les « arbitres » (les deux vieux). Et oui, le message est simple et clair : il faut toujours conserver son âme d’enfant, sous peine de se voir condamner pour « avoir trop vieilli ». C’est d’ailleurs à cause de ce choix extrêmement caricatural que les acteurs surjouent beaucoup : même si cela respecte la logique recherchée, cela demeurent un tantinet énervant par moment (certainement LE point faible du film…sans en être véritablement un finalement !) Mais au-delà du simple script ultra-moraliste, Gordon parvient à y intégrer du fantastique à l’état pur par l’intermédiaire des fameuses poupées (extrêmement bien animées au passage !) : tel un chef d’orchestre virtuose, il parvient remarquablement à instaurer une ambiance malsaine et ce dès le générique (sur une petite musique très douce, une tête de poupée flippante apparaît en même temps qu’un nom d’acteur, le tout sur fond noir : tout pour vous mettre mal à l’aise !!), puis chaque plan sur les poupées immobiles est une nouvelle vision d’angoisse qui renforce une atmosphère proche de la claustrophobie. Puis vint enfin le balai cruel, bien loin des délires trashs de "Re-Animator" et "From Beyond", qui nous permet d’assister à quelques mises à mort sympathiques et plutôt bien construites tout en évitant de sombrer dans le grand-guignol afin de conserver le côté gothique du métrage. Bref, sans être un chef-d’œuvre, "Dolls : Les Poupées" se révèle être une nouvelle fois une expérimentation de Stuart Gordon plus qu’intéressante : en mélangeant une ambiance gothique et terrifiante avec un petit air de poésie nostalgique, le métrage demeure une agréable expérience cinématographique à laquelle on pourrait juste reprocher son final au ton un peu trop moralisateur.