En France, où la notion de censure entraîne souvent une levée de boucliers, il est étonnant que le problème algérien, passé et présent, soit encore si fréquemment abordé par l'allusion. Prenez le titre de deux films qui abordent de front les conséquences de la guerre d'Algérie : l'un s' appelle Outremer et l'autre est intitulé L'autre côté de la mer. Des titres qui évoquent d'avantage les vacances et le voyage qu'un conflit colonialiste. D'origine pied noire et ancienne documentrariste, Dominique Cabrera aborde la fiction par un sujet qui aurait pu tout aussi bien être traité comme un documentaire : la venue en France d'un pied noir qui était resté en Algérie contre vents et marées après le conflit. Ce pied noir, c'est George, qui a accepté de revenir en France à contre coeur pour subir une opération des yeux. Mal à l'aise à Paris, il ne s'entend ni avec sa famille, rapatriée depuis trente ans, ni avec les algériens qui l'ont aidé à entreprendre ce voyage et qui demandent un retour d'ascenseur. La présence de George dérange, culpabilise, et va même jusqu'à créer une crise d'identité chez un jeune beur (Roschdy Zem) qui s'est pourtant bien intégré socialement à la France. Le film n'a pas besoin d'un ressort dramatique appuyé. Le drame appartient au passé des personnages qui sont tous, d'une façon ou d'une autre, des "enfants d'Algérie". Dominique Cabrera les observe, dévoile imperceptiblement leurs secrets au cours de scènes de conflit ou de confidence qui sonnent très juste. La construction, basée sur les rencontres diverses de George, manque un peu de spontanéité mais permet d'avoir un aperçu des personnes concernées directement par le conflit algérien. Soulignons pour finir l'implication physique (il joue de son visage vielli) et psychologique de Claude Brasseur dans un rôle innatendu, à mille lieues du stéréotype dont il s'est trop souvent accomodé.