Pour son nouveau film, Julia Roberts se retrouve seule en tête d’affiche (place qu’elle n’avait plus occupé depuis... "Erin Brockovich" il y a déjà 10 ans) avec cette adaptation du best-seller bobo d’Elizabeth Guilbert. Et force est de reconnaître que, sur le plan de l’intrigue, ce "Mange, prie, aime" tient parfaitement ses promesses, à savoir provoquer l’ennui du spectateur à coups de discours moralisateur et pseudo-philosophique sur l’importance de se sentir vivante le tout asséné par une bourgeoise occidentale tellement vide émotionnellement qu’elle doit se ressourcer à l’étranger (et de préférence dans des décors de cartes postales). Comment s’émouvoir, en cette période de crise économique, du vague à l’âme de cette romancière qui se tape une crise de la quarantaine (provoquant son divorce et sa dépression) alors qu’elle a les moyens financiers d’accomplir ses rêves et qu’elle laisse sur sa route des hommes fous d’amour et détruits ? Il faut voir la façon dont le réalisateur justifie les ruptures de Liz avec ce plan final bien malhonnête sur ses ex bien plus heureux sans elle (Steven remarié et père de famille, David acteur à succès...). Idem pour la représentation bien peu subtile et typiquement américaine des 3 pays visités. Parmi la collection de clichés, on retiendra que les Italiens sont ultra-conviviaux, parlent avec les mains, ne pensent qu’à la bouffe et au farniente (sans oublier le foot bien sûr), que les Indiens sont pauvres, marient leurs filles de force et passent leur temps à prier dans les ashrams, et que les Balinais sont soignés par des guérisseurs, chassent les femmes divorcés mais vivent dans des décors de rêves. Pas très subtile non plus la façon dont le réalisateur a filmé ses décors pourtant féérique et qui à l’écran font plus passage obligé traité à la va-vite (voir les plans sabotés du Colisée à Rome ou des plages à Bali). La mise en scène est d’ailleurs le 2e gros point noir du film, Ryan Murphy (créateur de "Nip/Tuck") tentant maladroitement de camoufler la platitude de sa réalisation par des mouvements de caméra stupides et un montage maladroit. Le talent approximatif du bonhomme est d’ailleurs criant lors du monologue de Richard sur son passé, filmé en plan séquence mais sans mouvement, et qui ne provoque pas la moindre émotion alors qu’on est censé se trouver devant la grande scène dramatique du film. Maintenant, le film est presque sauvé par son casting avec, autour d’une Julia Roberts pétillante qui fait oublier son statut de superstar d’Hollywood, un Billy Crudup étonnant en amoureux transi, un James Franco sympa en acteur de théâtre (bien que moins à son aise qu’à l’accoutumée), Richard Jenkins en baroudeur tentant d’expier ses fautes mais surtout l’incroyable Javier Bardem qui parvient à transcender son rôle, pourtant bien pauvre sur le papier, grâce à son charisme animal. Sans ce casting, le film n’aurait sans doute pas eu le droit à plus d’une étoile de ma part.