Olivier Marchal nous avait prévenus, son troisième long-métrage allait clore brutalement sa trilogie policière, commencée six années auparavant avec Gangsters, suivi deux années plus tard par 36 Quai des Orfèvres. MR 73 en est la preuve indiscutable, il a tenu sa promesse. Avec ce polar noir, froid, mû par l’énergie du désespoir, il illustre de belle manière un milieu qu’il a bien connu. Ce n’est en effet une découverts pour personne, Olivier Marchal a exercé diverses fonctions au sein de la Police Nationale (Brigade criminelle de Versailles, puis section antiterroriste) durant une quinzaine d’années, avant de raccrocher définitivement son holster. Il a donc traversé des situations inhabituelles, fréquenté des personnes hautes en couleurs, et croisé des ordures de la pire espèce. Il se sert là encore de sa riche expérience, afin de nous plonger dans la chronique désespérée d’un flic au bout du rouleau.
Le flic sur la fin s’appelle Louis Schneider, et on le découvre lors d’une ouverture aux confins du noir et blanc. Brisé par la mort de sa petite fille et par l’absence de son épouse, murée dans un autisme indéfini (suite à un accident de la route ?), Schneider a quitté le monde des vivants depuis longtemps déjà, même s’il continue à trimballer sa défroque hésitante dans les rues de Marseille. Rongé par l’alcool –son seul carburant semble-t-il- le chagrin et les remords du survivant, il s’enfonce chaque jour un peu plus dans la déchéance et l’oubli. Ses supérieurs ont bien tenté –certes sans conviction- de lui tendre une perche, bien maladroite. Une nouvelle incartade de sa part, celle de trop, et le voilà envoyé dans un service purgatoire. Il ne fera plus partie de la Criminelle.
Dans le rôle de Louis Schneider, il y a le comédien Daniel Auteuil. Un Daniel Auteuil des grands jours, littéralement habité par son personnage. D’ailleurs, c’est dire s’il le fallait, pour oser prononcer une phrase telle que « Dieu est un fils de pute, et un jour je le tuerai » sans paraître ridicule, ni blasphématoire. Le ton est donc très vite donné, le personnage principal ne connaît pas de limites, parce qu’il n’a plus rien à perdre. Pour brisé qu’il est, Schneider n’en est pas moins dangereux, prêt à exploser à la moindre occasion. Aussi quand un ancien malfrat –un grand malade- qu’il a contribué à mettre sous les verrous vingt-cinq années auparavant s’apprête à sortir, la nouvelle ne le laisse pas totalement indifférent. Il essayera de faire en sorte que le tueur ne parvienne pas à achever sa tâche en massacrant la petite fille rescapée de l’époque, devenue aujourd’hui jeune fille, une jeune fille qui n’a pas oublié la boucherie ayant coûté la vie à ses parents.
Le tueur a purgé une bonne partie de sa peine, vingt cinq années de trou, isolement le plus complet. Durant son long séjour à l’ombre, il a eu la chance (ou la bonne idée) de découvrir Dieu. De telles révélations sont fréquentes dans le milieu carcéral, on se demande encore pourquoi. Il sollicite donc une mise en liberté conditionnelle, usant du baratin habituel des « méchants » dignes de ce nom. La manigance a de bonnes chances d’aboutir, d’autant plus que le sinistre hère est sur le point de fêter son 70ème anniversaire. Comment donc, en effet, refuser la mise en liberté d’un détenu aussi modèle, encore ébloui par la révélation divine, et de surcroît diminué par des problèmes (simulés ?) de santé ? L’affaire est entendue, l’ex-tueur en série va réintégrer le vrai monde, à la condition qu’il se soumette à un suivi encadré par l’appareil judiciaire, que l’on devine débordé.
Face à Schneider-Daniel Auteuil, il y a Olivia Bonamy, lumineuse et sombre à la fois. Le personnage qu’elle interprète, Justine, a perdu père et mère alors qu’elle n’avait que 5 ans, lors d’un assassinat perpétré par le tueur en série, Subra, qu’incarne Philippe Nahon (lequel a fait le choix de l’économie dans son jeu, ce qui lui réussit). Son chemin finira par croiser celui de Schneider, lequel, lucide, observe avec détachement la corruption qui gangrène son univers. Ce petit passage « obligé », qui promène le spectateur dans les méandres de la Police Nationale, n’est pas superflu. Il vient épicer le récit, pour le faire partir dans une autre direction, alors qu’une partie de l’histoire était déjà résolue.
En écrivant un personnage comme Schneider (inspiré d’un flic qu’a connu Olivier Marchal), le metteur en scène, imprime un rythme particulier, hâché, à son histoire. Ici pas de paillettes, de fioritures, de savants effets, le film sera réaliste jusque dans ces scènes d’actions. Le contexte bien ciblé, il fallait l’illustrer, le matérialiser. Dans MR 73, les images sont pesantes, étouffantes, donnant une impression de saleté. La lumière (du Midi, pourtant !) elle-même semble froide, sans vie, dénuée de toute substance. Le travail sur la lumière et les couleurs est effectivement à saluer ici, tant il contribue à donner un certain poids à l’enchaînement des événements.
Le film d’Olivier Marchal do