Après la Favorite sorti le 6 février, nouvelle plongée dans la royauté anglaise avec Marie Stuart, sorti le 27 février et que nous devons à Josie Rourke, plus connue comme metteur en scène et directrice de théâtre, et dont c’est d’ailleurs le premier film…Avec Marie Stuart, elle s’attaque à un sujet inépuisable qui a inspiré John Ford (1936) , l’allemand Carl Froelich (1940), le britannique Charles Jarrod en 1971, avec Vanessa Redgrave dans le rôle titre, Elisabeth l’âge d’or du pakistanais Shekar Kapur en 2007 avec Samantha Morton en Marie Stuart…et Marie Reine d’Ecosse du franco-suisse Thomas Imbach en 2014.. C’est que ces deux femmes, Marie et Elisabeth, aient pu exister et gouverner dans un monde aussi masculin, est incroyable…Avec Marie et Elisabeth nous sommes un siècle avant le monde de la Favorite et Anne qui sera la dernière des Stuarts…Marie Stuart née en 1542, n’a que huit jours lorsque Jacques V meurt et lui laisse le trône d’Ecosse…elle passera alors une partie de son enfance en France d’où est originaire sa mère, laissant l’Ecosse à des régents..en 1558 elle épouse François II qui devient roi de France l’année suivante…mais François II meurt et en 1561 elle retourne en Ecosse pour s’installer sur le trône qui lui revient et dont la régence est assurée par son demi-frère, James comte de Moray…En Angleterre règne depuis 1558 Elisabeth, née en 1533, fille d’Edouard VIII et d’Anne Boleyn qui sera décapitée alors qu’Elisabeth n’a que deux ans…on décapitait beaucoup à cette époque…Catholique dans un pays acquis au protestantisme, Marie prône l’œcuménisme, Elisabeth, protestante entend assoir son règne aussi bien sur l’Ecosse que sur l’Angleterre…Marie fera tout pour se remarier très vite avec Lord Darnley, son cousin, personnage assez veule et ivrogne mais qui répondra à l’attente de Marie, en lui donnant un fils, le futur Jacques VI…Elisabeth, reine sans mari, sans enfant, défigurée par la variole, est ravagée par l’idée de voir sa cousine s’imposer dans la succession …Ces deux femmes, fortes, déterminées sont toutefois isolées , étouffées, manipulées, engluées dans un marigot de conseillers et de conspirateurs exclusivement masculins qui mettre en branle toutes les stratégies possibles, intrigues, mariage arrangé, guerre, meurtre….et qui finiront en poussant Elisabeth à la conquête de l’Ecosse, à faire arrêter Marie et à la conduire sous la hache du bourreau… Pour présenter cette nième version de Marie Stuart, Beau Willimon, le scénariste s’est appuyé sur la biographie de John Guy, Queen of Scots : The true life of Marie Stuart. L'ouvrage se démarque par son approche de Marie Stuart, généralement présentée comme une monarque faible et aux mœurs légères, ce qu’elle n’était pas...et si les deux reines sont représentées souvent comme des rivales, Josie Rourke a pris la liberté de les montrer aussi, à la recherche d’un compromis…elle nous offre une splendide reconstitution de l’époque élisabéthaine, costumes et décors somptueux, volontiers tirés vers le baroque, usant dans les premières séquences d’une juxtaposition d’images qui brouillent les pistes…quelle reine suit-on de dos sans vraiment l’ identifier, d’autant qu’elles sont rousses toutes les deux…dans quelles cours sommes nous parmi tous ces hommes en noir… mais quel plaisir de passer de l’une à l’autre en traversant ces magnifiques paysages écossais …Josie Rourke est servie par deux magnifiques actrices, Saoirse Ronan en Marie Stuart, au jeu très fluide qui force la sympathie, et Margot Robbie en Elisabeth, probablement un cran en dessous sur la longueur du film…Le choix d’autres acteurs est un peu surprenant, Bess of Harwick, la confidente d’Elisabeth, incarnée par Gemma Chan, actrice d’origine asiatique, et Lord Randolph ambassadeur d’Angleterre à la cour d’Ecosse par Adrian Lester, fils d’immigrants jamaïcains…ces visages éloignant le film de la réalité historique à moins que ce ne soit que pour lui donner une réalité plus contemporaine…comme il était important pour Josie Rourke de renouveler l’image de ces reines en montrant comment leur parcours peut entrer en résonnance avec le monde d’aujourd’hui, dans lequel les femmes ne cessent de se battre pour leurs droits ? Ce film a été nommé dans plusieurs festivals sans ramener la moindre récompense, laissant la moisson à La Favorite… cela ne me surprend pas, j’ai quand même préféré le film de Yorgos Lanthimos…