Philippe Blasband a plusieurs cordes à son arc. En plus d'être réalisateur, il est aussi scénariste, dramaturge et romancier. Il a mis en scène dix pièces de théâtre et en a écrit près de quinze. Il compte également six romans à son actif, dont De cendres et de fumées qui a reçu le Prix Rossel en 1990.
Le réalisateur est le mari de l'actrice principale du film, Aylin Yay. Ils ont deux enfants, dont l'aîné est dysphasique. A propos du sujet de son film, Philippe Blasband explique : "Ce film n'est pas un documentaire, ni une démonstration. Ce film est une fiction. Il est le fruit de nos observations sur les enfants dysphasiques et notre fils Théo en particulier, mais c'est aussi une création subjective. (...) Puisque ce film est subjectif et que je suis un parent d'enfant dysphasique, ce film est, très logiquement, le catalogue des angoisses d'un parent face à son enfant dysphasique : quel sera son futur ? Et s'il devenait alcoolique ou drogué ? Et si nous mourions ? Et s'il perdait son travail ? Et s'il divorçait ? Ce que me répond le film, à toutes ces questions, c'est : faites confiance à la force de votre enfant..."
Philippe Blasband se sert du cinéma et de l'écriture comme exutoire de la maladie : "la dysphasie était déjà présente dans une grande partie de mon travail, de manière indirecte, voire inconsciente. Depuis peu, j'ai choisi d'en parler de front. D'abord La Couleur des mots, un film de fiction issu d'un besoin - pas seulement de ma part, mais aussi de celle d'Aylin, qui joue Marie - de regarder la dysphasie de l'intérieur, et d'exorciser nos peurs de parents. Ensuite un autre film, plus didactique, que je prépare, destiné aux professionnels de la santé et aux enseignants, sur le diagnostic de la dysphasie. Parallèlement à cela, un documentaire sur la dysphasie, destiné au grand public. Enfin, je termine un livre, Les mots dans la tête, qui relate le parcours de Théo et qui tente de poser des questions sur le sens qui se dégage de ce handicap. J'imagine déjà d'autres sujets, d'autres écrits, d'autres films. J'en aurai terminé avec la dysphasie le jour de ma mort – et encore..."
Le docteur Paule De Ridder-Vanderdeelen, neuropédiatre, donne une définition simple de la dysphasie : "C'est un trouble structurel de l'acquisition et de l'organisation du langage verbal. Tous les niveaux d'intégration (...) de ce langage verbal pouvant être atteints à un degré variable. C'est un problème neurologique. J'explique souvent aux parents qu'un enfant dysphasique est un enfant pour lequel sa langue maternelle semble une langue étrangère. Au lieu d'avoir des capacités de discrimination sélective de cette langue-là par rapport à toutes les autres, elle est encore pour lui en quelque sorte sur le même pied que les autres langues auxquelles il est sensible à la naissance. Et donc il ne la comprend que très imparfaitement. Et bien entendu, ne la comprenant pas, il s'exprime tout aussi difficilement."
La Couleur des mots a été projeté dans plusieurs festivals. Il était en compétition au Festival du Nouveau Cinéma de Montréal, au Festival International du Film de Valladolid dans la section Meeting Point ainsi qu'au Festival International du Film d'Amiens. Il a également été présenté hors compétition au Festival International du Film Francophone de Namur dans la section Panorama.
Le film n'a coûté qu'un peu plus de 3 000 euros au réalisateur, ce qui constitue "majoritairement les repas, quelques moyens techniques, quelques frais. Tout le reste a été prêté, donné, ou mis en participation ; les comédiens et techniciens ont travaillé bénévolement", témoigne le réalisateur.
Le tournage du film a duré 19 jours ! Comme l'explique Philippe Blasband, "les gens veulent bien travailler gratuitement, mais pas pendant trop longtemps. D'ailleurs, plusieurs techniciens se succédaient au même poste : trois personnes ont modulé le son, quatre ont fait la lumière, il y a eu trois assistants, etc."
Le réalisateur explique comment il a réussi à convaincre les acteurs de jouer bénévolement dans son film : "La plupart des comédiens de La Couleur des mots sont des amis. Beaucoup d'entre eux connaissent notre fils, Théo, et se sentent concernés par son handicap. C'était donc tout naturel pour eux de participer à ce film, quelles que soient les conditions."
C'est volontairement que le réalisateur a voulu faire un film aussi bon marché, loin des studios et du système habituel de financement : "les différents intermédiaires, bailleurs de fond, télévisions, commissions, etc., se permettent de vous assaillir de critiques pas toujours bienveillantes. Le sujet de La Couleur des mots est la dysphasie, qui est l'handicap de mon fils. Ce sujet me tient fort à coeur et je ne supporterais pas toutes ces remarques déplacées, sur ce sujet-ci. Je voulais faire un film aussi personnel qu'un poème."