Je me méfie toujours des films qui ont trop fait parler d’eux à Cannes. Ce n’est pas vraiment le temple du bon cinéma, et on a le droit chaque année à un film provoc histoire de donner du piment. J’ai donc été plutôt agréablement surpris.
Antichrist est doté d’une bonne interprétation, c’est un fait. Dafoe est excellent, il développe un personnage intéressant, et il impose son physique singulier avec talent, dans un film où il convenait de l’utiliser. A ses cotés Charlotte Gainsbourg. Elle aussi livre une prestation tout à fait convaincante, parfaite dans son rôle ambigu et torturé. Elle mérite amplement le prix qui lui a été remis. Pour le reste il n’y a rien, donc je ne m’étendrai pas outre mesure.
Le scénario commence à coincer. Je ne dirai pas que l’histoire en soi est inintéressante. Elle aborde des thématiques complexes, et part sur une idée rarement exploitée que le réalisateur a le courage d’utiliser. Le problème c’est que le film peine à tenir sur 1 heure 40. Il y a beaucoup de redondances, des insistances lourdingues (avec les animaux par exemple), des éléments tellement excessifs qu’ils perdent toute crédibilité et enfoncent le film parfois aux limites des ridicules, alors qu’il partait vraiment sur des bases très solides, et promettait un résultat en béton. La fin m’a étrangement rappelé par ailleurs une fameuse pub, pour un certain déodorant. Déjà que cette fin est assez gratinée, alors en plus avec cette comparaison, elle est décevante. Le rythme est par ailleurs assez lent, et pour ma part j’ai eu le sentiment que Lars von Trier laissait beaucoup de choses de coté, qu’il survolait.
Sur la forme, il y a de bonnes choses. La mise en scène par un peu dans tout les sens. Tantôt pétri de réalisme, proche de ses personnages, il y a un coté artisanal pas déplaisant. Le problème c’est que juste après le réalisateur nous balance une séquence filmée d’une toute autre manière, léchée au possible, sans à coup. Ca peut passer un moment, mais à la longue l’impression d’un film dépareillé, un peu « foutoir » surnage. Pour être entièrement honnête il y a quand même de très bons passages (lorsque l’enfant se jette dans le vide en particulier). La photographie en revanche est très bonne. Le début est superbe, la fin qui reprend la même recette est moins convaincante, car il y a moins de contraste. La partie centrale a visiblement été l’objet de recherches esthétiques. C’est un peu dommage d’avoir étouffé les couleurs, plutôt que de s’être clairement décidé pour le noir et blanc. Le résultat ne convaincra probablement pas tout le monde, pour ma part, comme dans 300, je salue avant tout la recherche. Ca fait du bien quant on sent qu’un réalisateur se décarcasse un minimum. Les décors sont convenables, même si j’attendais un peu plus avec cette nature mystérieuse et presque hostile. Alors évidemment comme pour tout film de ce genre, qu’en est-il réellement quant à la violence et à l’érotisme. Sincèrement, coté violence, ce n’est pas énorme. Les scènes les plus hard sont toujours hors champ, pour le reste vous aurez le droit à un étranglement, et à une scène peu extrême avec une meule. Après il y a quelques scènes un peu brutes de décoffrage, avec une mise bas notamment. Coté érotisme, il y a quelques séquences assez crues. Si certaines ont clairement un coté racoleur, l’ensemble est je pense supportable pour des adultes (même des ados, mais honnêtement je doute que ce film en intéresse beaucoup). Musicalement, excellente bande son pour le prologue et l’épilogue, fort dommage qu’il n’y a rien dans le corps du film en revanche.
Pour conclure, Antichrist a très largement divisé la critique, entre les très pour et les très contre. J’avoue ne pas comprendre, car ce film a des défauts, certes, mais aussi des qualités certaines, et de ce fait il mérite une note plutôt intermédiaire. Formellement convenable, malgré une relative instabilité de la mise en scène, porté par une interprétation enthousiasmante, c’est vrai qu’il souffre d’un scénario balourd, qui avance lentement, et n’exploite pas tout son potentiel. Je lui donne un 3.