Sur fond de rite initiatique, This is England suit l'histoire d'un petit bonhomme brittanique de douze ans, orphelin de son père décédé récemment à la guerre. Dans une ville ouvrière, il reste seul avec sa mère et ne trouve pas sa place. Pire, il est souvent raillé à l'école où il est l'objet de moqueries sur ses tenues vestimentaires, ou plus cruellement, sur son père disparu. En quête d'une nouvelle figure paternelle, il sera pris sous son aile par le sympathique et attachant Wood, qui mettra un point d'honneur à redonner un peu la joie de vivre à ce gosse isolé. Rythmé par une formidable et judicieuse bande originale, on se laisse happer par le film de Shane Meadows. Avec tendresse et dureté, émotion et humour, il dresse le portrait d'une bande d'amis skinheads, pacifistes et déconneurs, qui n'ont pas froid aux yeux.
Cependant, les dérives de certains vont scinder le groupe en deux, laissant place à une mouvance plus nationaliste et radicale. Le film bascule alors dans un aspect plus inquiétant et Shaun, touché en plein coeur dans son deuil paternel, va se laisser entraîner vers des idées nationalistes et extrêmistes. Si l'on est souvent choqué par les propos tenus par certains ou par les actes révoltants qu'ils commettent, on comprend cette jeunesse perdue et désespérée qui ne parvient à exprimer sa colère et ses maux autrement que par l'envie, la peur de l'étranger et la violence, comment les partis nationalistes se nourrissent de la misère sociale pour donner corps à leurs groupuscules.
Les interprètes, pour la plupart débutants, sont à féliciter pour leur sincérité et leur talent autour de la remarquable performance du jeune Thomas Turgoose qui crève véritablement l'écran. Du haut de ses 13 ans, il fait preuve d'une matûrité impressionnante et à lui seul mérite le détour. Focalisé sur la trajectoire de Shaun, le film parle de tolérance, de prolétariat, de solidarité, de xénophobie, de pauvreté, de famille, d'isolement, de la guerre, du deuil. Un film fort.