Il y a dans ce documentaire qui n'en est pas un, un goût pour l'instantané qui le rend magique. Abordant le passé sous la forme d'un voyage proche de la méditation mémorielle, en revisitant les pas d'un homme blessé par les horreurs du nazisme, Davide Ferrario construit, par le biais d'images d'archives et de reconstitution, un trajet humain bouleversant sur la perte humaine, simplement décrite sous un angle purement observateur. En voyageant à travers l'Autriche, la Roumanie ou encore l'Ukraine, il dépeint à petites touches le mal-être présent et le rapport au nazisme, les préjugés portés aux allemands aussi bien que les souvenirs amers d'un vieil homme qui connût l'époque monstrueuse. Avec une douceur incroyable, ce documentaire navigue paisiblement sur la Terre, avec toujours dans l'idée de repasser derrière un homme qui, par ses pas effacés, se décrit et se démontre tout seul. Muni d'une pudeur vraiment exemplaire, "Le voyage de Primo Levi" allie les rires aux larmes, empile les mots aux silences des paysages respirant sans nous. Et c'est aussi pour cela que le film évite le redoutable aspect 'carte-postale' ; tout ce que le réalisateur filme a le poids du passé, une douleur qui peu à peu s'effondre mais qui pourtant laisse une trace en chacun de nous. En jouant de la part universelle que l'extermination des juifs a en nous, remettant en cause les divers problèmes qui résultent aujourd'hui de la mise en place de l'idéologie nazie, le cinéaste offre à l'humain que nous sommes la possibilité de refléter une part de notre passé, de notre histoire, nous montre d'une certaine manière les cendres d'humanité qu'il reste en nous, malgré tous nos déchets, et, avec tact, filme des villes sans âmes, enneigées ou couvertes d'herbes fraîches, dans ce qu'elles ont de plus pur, de plus fantômatique, comme pour évoquer avec une composition de plans volontairement mélancoliques les présences d'un peuple en parti anéanti, et au minimum celui d'un homme, Primo Levi, dont les pas d