Jean-Christophe Grangé fait sans doute partie du petit cercle des romanciers français de polars les plus populaires, et pour cause, la parution de chef d’œuvre tels que La ligne noire, Les rivières pourpres ou encore L’empire des Loups. Miserere, intitulé sur les écrans La marques des anges, n’est pour ainsi dire qu’un maillon relativement fébrile dans une bibliographie prestigieuse. Nullement son meilleur roman, mais sans pour autant n’être pas captivant, son adaptation au cinéma, signée Sylvain White, ne fait pas exception à la règle. Le cinéma français n’aura finalement jamais su rendre gloire à l’un des écrivains nationaux les plus doués. Oui, après une adaptation acceptable des rivières pourpres et une adaptation catastrophique de l’empire des loups, voilà qu’un cinéaste orgueilleux vient, entre guillemets, saccagé un autre roman de la collection.
Pour autant, Sylvain White, à la mise en scène, n’est pas maladroit. Les quelques scènes d’action, maigrichonnes mais persistantes, sont filmées un peu à la manière d’un Paul Greengrass, cinéaste sans doute référentiel pour le frenchie ici à la barre. Non, la lacune majeure de la marque des anges est son scénario. Alors que le bouquin, bien évidemment plus développé, était lui d’une limpidité sans faille, le film, prenant le parti de s’en éloigner toujours d’avantage, ne démontre jamais une qualité narrative indispensable pour raconter une telle histoire. Les personnages principaux diffèrent allègrement de ceux du romancier, nul référence à un certain Frank Salek dans le roman. Il en va de même pour la géographie, les origines des deux flics et j’en passe. Il ne s’agirait là en sommes non pas d’une adaptation mais bel et bien d’une relecture. Un comble lorsque l’on considère la maîtrise de ses œuvres de Grangé, bien meilleur conteur que tous les cinéastes parisiens réunis.
Si JoeyStarr et Gérard Depardieu ne sont pas mauvais, on les sent toutefois mal dirigés. Naviguant à l’aveugle sous les ordres d’un réalisateur voulant tiré parti de sa version à lui de l’histoire, les deux comédiens, accompagnés de quelques seconds rôles, dont Thierry Lhermitte, ne parviennent jamais à laisser transparaître tout leur pessimisme, à contrario des personnages de Grangé. Leur association est ici improbable, le dynamisme insufflé à son personnage par l’ex-rappeur ne permet pas à celui-ci de s’émanciper de son allures de mauvais bougre au grand cœur et j’en passe. Les interprétations sont dès lors artificielles, lacunaires. Mais d’avantages qu’un écart majeur au roman, aisément pardonnable si bien pensé, c’est cette mécanique graisseuse de l’engrenage narratif qui pêche, la transition entre les séquences n’étant que très mal agencée.
Pourtant, ne cachons qu’une telle tentative d’approche du film policier ne peut être que bénéfique à un genre qui tourne gentiment en rond. Jean-Christophe Grangé raconte des histoires fascinantes, captivantes, mais difficile à mettre en images. Cela n’excuse pas vraiment la faiblesse du cinéaste à pouvoir donner à son film une réelle profondeur. Trop superficiel, La Marque des anges reste toutefois un film que l’on découvre avec un certain plaisir. Pour autant, si l’on gardera un souvenir du roman, version papier, le film, lui, sera très vite oublié. 07/20