Je dois avoir un problème avec Naomi Kawase. «Moe No Suzaku» est un beau film. Il contient nombre d'éléments qui me font aimer le cinéma japonais : une nature presque omniprésente, un rythme lent et contemplatif, des émotions suggérées, à peine esquissées, une mise en scène sobre mais jolie... Pourtant la sauce ne prend pas, les images de la cinéaste japonaise ne m'évoquent au fond que bien peu de choses. On se dit : « tiens, on dirait du Kurosawa », « tiens on dirait du Takahata », « ou encore du Miyazaki », mais jamais l'on ne retrouve leur génie. L'une des raisons vient sans doute des personnages peu développés. Après, les amateurs de cinéastes comme Kiarostami, Ceylan, etc (ces cinéastes du réel, du quotidien) trouveront peut-être leur compte, mais pour ma part je ne sais même pas si Naomi Kawase soutient la comparaison. Car un deuxième reproche peut être avancé : un manque cruel de profondeur. La cinéaste filme des corps, la nature, le hasard même (selon ses dires), mais c'est comme si elle s'arrêtait à la surface. Esthétiquement rien à redire, par contre quel manque de vie! Dommage encore une fois, car elle dispose d'interprètes pour la plupart talentueux. Pour revenir à la sobriété des émotions, j'ai eu paradoxalement l'impression qu'elle faisait ressortir d'autant plus les moments où ils semblaient factices. Du fait de leur économie, le moindre geste « en trop » vient tout gâcher. Toujours donc cette sensation bancale, artificielle, qui enveloppe le long métrage. Malgré tout «Moe No Suzaku» reste fort plaisant du début à la fin. On s'ennuie certes un peu mais il suffit de lâcher prise et de se laisser porter par les images pour retrouver un Japon rural des plus dépaysants. On n'échappe donc pas non plus à quelques clichés « zen », mais dans l'ensemble la retenue l'emporte, et il faut bien louer de nos jours la capacité de Naomi Kawase à choisir la voix du calme et de la patience quand ses contemporains privilégient la surenchère. Pas mal, mais peut mieux faire. [2/4] http://artetpoiesis.blogspot.fr/