A travers ses rôles avec Michael Haneke et bien d'autres cinéastes, Isabelle Huppert a souvent prouvé qu'elle n'avait pas froid aux yeux. Pourtant, lorsque le cinéaste autrichien lui a proposé de jouer le rôle de la mère dans Funny games, la comédienne a refusé. Quelques années plus tard, elle expliquait ce choix au micro d'AlloCiné : "Dénoncer le mécanisme de la violence au cinéma, c'était une proposition assez théorique. La conséquence pour les acteurs, c'est qu'il n'y avait aucune place pour l'imaginaire, pour la fiction. Chez le personnage de La Pianiste, aussi brutal et sec soit-il, il y avait de la fiction, de l'imaginaire : c'était un personnage éminemment romanesque. Funny games était une reproduction très brute de la réalité, ce qui était nécessaire à la démonstration, mais sur le moment cela m'a semble injouable pour une actrice. J'ai peut-être eu tort, ça l'a été magistralement par Susanne Lothar (puis par Naomi Watts dans le remake). Mais c'est vrai que ça m'a fait peur, c'est rare que je sois effrayée par un personnage." Après ce premier rendez-vous manqué, Isabelle Huppert s'est bien rattrapée, en collaborant avec Haneke sur La Pianiste, puis Le Temps du loup et Amour.
Fait relativement rare dans l'histoire du cinéma, Michael Haneke a lui-même réalisé un remake américain de son film. Lors de sa sortie, en 2008, il justifiait sa démarche : "Sortant d'une récente projection de Funny Games US, un ami critique m'a dit : "Ce film a maintenant trouvé sa vraie place." Il a raison. Lorsque dans les années 1990, j'ai commencé à songer au premier "Funny games", je visais principalement le public américain. Et je réagissais à un certain cinéma américain, à sa violence, à sa naïveté, à la façon dont il joue avec les êtres humains. Dans beaucoup de films américains, la violence est devenue un produit de consommation. Cependant, parce que c'était un film en langue étrangère et que les acteurs étaient inconnus des Américains, le film original n'a pas atteint son public. Lorsqu'en 2005, le producteur britannique Chris Coen m'a suggéré de le refaire en anglais, j'ai accepté... à condition que Naomi Watts en soit la vedette." Ajoutons que la comédienne a pour partenaires Tim Roth, Brady Corbet et Michael Pitt. Parmi les autres cinéastes européens qui ont eux-mêmes signé le remake américain d'un de leurs films, citons Lisa Azuelos (Lol), Gela Babluani (13), Francis Veber (Les Fugitifs), Roger Vadim (Et Dieu créa la femme) ou encore, bien plus tôt, Alfred Hitchcock (L'Homme qui en savait trop). Mais Haneke, lui, est allé jusqu'à faire un remake plan par plan de son film !
La mère et le père du film sont interprétés par Susanne Lothar et Ulrich Mühe, grands acteurs allemands de théâtre et de cinéma, qui formaient également un couple à la ville. Tous deux connaissaient bien Haneke. Lui avait tourné dans Benny's Video en 1992. Ensemble, ils ont joué dans le téléfilm inspiré de Kafka, Le Château, tourné peu avant Funny games. Par la suite, elle trouvera des rôles dans La Pianiste et Le Ruban blanc. Peu après avoir connu la consécration grâce à La Vie des autres de Florian Henckel von Donnersmarck, il meurt le 22 juillet 2007, à 54 ans, des suites d'un cancer de l'estomac. Cinq ans plus tard, le 21 juillet 2012, sa veuve s'éteint à son tour, à l'âge de 51 ans.
Dans les entretiens qu'il a accordés à Michel Cieutat et Philippe Rouyer (Editions Stock, 2012), Michael Haneke raconte que l'origine du film est très ancienne. En 1970, il a écrit une histoire inspirée d'une scène de Tirez sur le pianiste de François Truffaut, dans laquelle le personnage de fuyard trouve refuge dans une maison de campagne, et braque la famille qui possède la demeure. Au milieu des années 80, alors qu'il se trouve dans une chambre d'hôtel à Tbilissi en Georgie, il est réveillé par des coups de feu, et décide de reprendre cette histoire. Quelques années plus tard, il ajoutera la dimension de "distanciation" entre le spectateur et le récit.
Après trois premiers longs métrages sélectionnés à la Quinzaine des Réalisateurs, Michael Haneke accède à la compétition cannoise avec ce film. Particulièrement éprouvant, Funny games crée une onde de choc sur la Croisette et divise profondément les festivaliers. Certains spectateurs quittent la salle avant la fin de la projection, d'autres sifflent... Le jury présidé par Isabelle Adjani ne le retiendra pas dans son palmarès. Le cinéaste se consolera quelques années plus tard, notamment à travers les deux Palmes d'or remportées pour Le Ruban blanc (2009) puis Amour (2012).
Une certaine malédiction semble entourer le casting du film, puisque Frank Giering, qui incarne un des deux adolescents tortionnaires, est lui aussi décédé prématurément. Le comédien allemand, qui avait tourné dans plus de 70 films et téléfilms, a connu des problèmes liés à l'alcool et a été retrouvé mort chez lui à Berlin, le 23 juin 2010, à l'âge de 38 ans.
Dans une des scènes les plus commentées du film, Michael Haneke a recours à un procédé artificiel et peu banal. A la fin du film, un des deux adolescents est tué, le spectateur s'attend donc à une relative "happy end". Mais son comparse s'empare d'une télécommande, et "rembobine" le film, annulant cette scène de meurtre... "Funny games" se terminera de façon bien plus tragique pour la famille...
Pour la scène durant laquelle la mère, bailllonnée, manifeste longuement son angoisse, la comédienne a tenu à pleurer dans sa loge pendant environ une demi-heure avant d'arriver sur le plateau.
Avant d'être l'un des jeunes hommes sadiques de "Funny games", Arno Frisch interprétait le rôle principal de Benny's vidéo en 1992, celui d'un adolescent qui perdait contact avec la réalité à force de se plonger dans des images vidéo, avec des conséquences dévastatrices...
Plus habitué à avoir recours à la musique classique, Haneke utilise dans des scènes du film la musique particulièrement violente et sombre de John Zorn, une figure de l'avant-garde new-yorkaise.