Après son 'Benny's Video' - et plus généralement sa trilogie "glaçante" -, Haneke frappe encore plus fort dans ce 'Funny Games'. D'abord, le principe de montrer la violence de manière subjective, utilisé dans 'Benny's Video' est ici poussé bien plus loin. En effet, par l'utilisation quasi systématique du hors-champ lors des scènes d'agression, Haneke oblige au spectateur de s'imaginer la violence de la scène, et met ainsi en place un suspens intense. Autre point commun avec ce film : la brutalité de la violence, et ce dans les différents sens du terme. Effectivement, 'Funny Games' comme dans le film de 1992, conserve cette lenteur du récit, ces longues pauses en plan fixe pour mieux surprendre, mieux brutaliser en enchaînant sur une scène de violence brève mais crue, ne laissant au spectateur le temps de comprendre la situation directement. Pourtant, Haneke donne tout de suite le ton pendant le générique d'ouverture en passant, très brusquement, de musique d'opéra à du métal aussi bruyant que dérangeant. Dérangeant, c'est sûr, 'Funny Games' l'est et le réalisateur autrichien va se désolidariser des codes du genre pour arriver à ce but de façon optimale. Le cynisme, présent au plus haut point, par les jeux de torture morale des deux ados et par le réalisateur lui-même - dans les contradictions de rythme, de situations (des adolescents habillés en blancs, reflétant l'innocence au premier abord) et dans le jeu "des nerfs" avec le spectateur - est très perturbant. La cruauté aussi est poussée à son apogée, et celle-ci ne cesse jamais - au contraire, elle est croissante. A chaque fois qu'une lueur d'espoir se laisse entrevoir pour l'innocente famille, celle-ci est brutalement éteinte et le cauchemar empire de plus belle (les bourreaux ont même le pouvoir de revenir dans le passé lorsque la situation tourne en leur défaveur). Pour pousser ce sentiment de trouble encore plus loin, Haneke force le public à devenir complice des méfaits des ados par le biais des regards mesquins et des questions contrariantes du plus virulent des deux à notre attention. Par cet excellent film, Michael Haneke dépeint une critique acerbe de la société, de la jeunesse actuelle, des vices humains, et nous montre qu'il est un grand réalisateur engagé, virtuose dans la mise en scène et l'entretien du suspens.