Oh ! purée ! Mais qu’est-ce que c’est que ce truc ? Il n’y a rien de funny là-dedans ! Comme à mon habitude, je n’ai pas lu une ligne du synopsis pourtant très court (je ne l’ai lu qu’après visionnage), ni aucun commentaire, et je dois avouer que je ne m’attendais pas une seule seconde à ce genre de film. D’autant plus que rien, mais absolument rien dans le début ne laisse présager de ce qu’il va se passer : un Range Rover roule paisiblement sur le chemin des vacances, remorquant sans effort un petit voilier. A l’intérieur du véhicule, un couple avec un enfant ; les parents tuent le temps en faisant un blind test. C’est amusant, mais n’espérez pas reconnaître les titres proposés. Ne vous en faites pas, c’est normal, le film est autrichien. Et puis tout à coup, comme ça, comme sur un claquement de doigts, la musique devient le temps du générique de début subitement agressive, à vous en faire sursauter, mais aussi à vous faire demander sur quoi vous êtes tombés. Alors que cette musique s’arrête aussi brutalement qu’elle était apparue, vous risquez fort de vous poser cette question assez durablement car le jeu d’acteur laisse perplexe. Les comédiens sont droits comme des "i", à priori embarrassés par leur rôle. En fait, vous en comprendrez le pourquoi par la suite. Ce sont seulement les visiteurs arrivant en voilier qui manquent de naturel, car eux ignorent ce qui se trame. Ceci dit, si on pousse le raisonnement plus loin dans la construction du film, cela peut se comprendre également. Le doublage en français peut lui aussi laisser perplexe, à tel point qu’on pourrait se demander comment on a pu laisser gâcher à ce point les dialogues. En fait, ils contribuent à installer une atmosphère bizarroïde, indéfinissable, mais dont la prouesse réside en la capacité d’attirer le spectateur comme une mouche peut l’être dangereusement vers un scotch déroulé chargé de phéromones. Donc, aussi curieux que cela puisse paraître, ça marche ! Pourtant, je pense qu’il est largement préférable de visionner "Funny games" en V.O., tout comme le conseille l’internaute Gauthier Descamps. Avant de poursuivre, je dois attirer votre attention sur le fait que ce film est vivement déconseillé aux moins de 16 ans. Non pas que le film soit gore à proprement parler avec des scènes violentes. Non, la sensation d’horreur est démultipliée par la succession de plans hors-champ, de gros plans, et de longs plans fixes chargés de silence extrêmement pesant, renforcés par l’absence totale de musique durant l’intégralité du film (hormis le blind test et les génériques). La sensation d’horreur est également accentuée par le fait que la violence n’est jamais montrée. Seulement suggérée, comme pour laisser l’imaginaire du spectateur travailler. Et puis il y a l’utilisation du 4ème mur, une technique via un écran imaginaire entre la scène et le public parallèle au mur du fond visant à placer le spectateur devant une action qui est censée se dérouler indépendamment de lui, pour se trouver en position de voyeur. Le personnage peut briser cette illusion en faisant un commentaire directement au public, ou bien en aparté. Et c’est ce qu’il va se passer, comme si nous étions devant une télé-réalité un peu vieillotte, renforcée par un aspect défraichi de l’image. Là où "Funny games" est remarquable, c’est le schéma général de l’intrigue : le début est extrêmement paisible, voire reposant ; puis un certain malaise pointe le bout de son nez, notamment lorsque Frank Giering (Peter, dit Bouboule) fait son apparition en gentil garçon bien poli un peu simplet avec sa tête de premier de la classe issu d’une bonne famille ; puis enfin la lente et inexorable montée de la violence dont il est impossible de prédire le point culminant. Pensez-donc : "Funny games" est… comment dire ? Inclassable. Car il hésite entre le thriller et le drame, voire même l’épouvante. Un film totalement atypique qui dénonce le mécanisme de la violence au cinéma, notamment dans le cinéma hollywoodien
, dont le titre trahit le malin plaisir que prennent les deux jeunes gens en instaurant des jeux funny de façon on ne peut plus courtoise afin de torturer plus psychologiquement que physiquement leurs souffre-douleurs
. Qu’on aime ou pas, ce film est résolument marquant, provoquant une véritable onde choc, semblable à celle qu’il y a eu au Festival de Cannes en divisant profondément les festivaliers. Pour une fois que l'assemblée du Festival ressent la même chose que nous, les spectateurs lambdas...