Loin d'elle : les secrets du tournage

Julie Christie a obtenu Meilleure actrice dans un drame lors de la conférence de presse (qui tenait lieu de cérémonie) des Golden Globes 2008.

Loin d'elle est le premier long métrage réalisé par l'actrice canadienne Sarah Polley. Devant la caméra dès son plus jeune âge (la fillette des Aventures du baron de Münchausen, c'était elle), elle a été repérée chez Egoyan (De beaux lendemains), Isabel Coixet (Ma vie sans moi), Zack Snyder (L'Armée des morts) ou encore Wenders (Don't come knocking). Elle est passée derrière la caméra en 1999 en réalisant Don't think twice, le premier de ses quatre courts métrages. L'un d'entre eux, I shout love, a décroché le Genie Award (équivalent canadien des César) en 2003.

Pour son premier long métrage, Sarah Polley s'attaque à des thèmes délicats, la maladie d'Alzheimer (sujet auquel s'est intéressée une autre actrice-réalisatrice, Zabou Breitman avec Se souvenir des belles choses) mais aussi l'amour chez les personnages âgées. A ce sujet, elle précise : "Les histoires d'amour sur les seniors sont souvent pleines de sentimentalisme ou illustrées par des milliers de flashbacks. C'est, à mon sens, moins intéressant. L'amour reste défini par une alchimie entre deux êtres ou marqué par le destin d'une rencontre. Ces nouveaux “amoureux” ont souvent un passé personnel riche, hérité d'histoires précédentes. Imaginez alors que ce couple ait un passé en commun de 50 ans. Les relations adultérines de Grant peuvent apparaître comme des erreurs de jeunesse mais une chose est sûre : il se trompe s'il imagine que le temps a tout effacé (...) Je voulais que leur relation ait traversé de véritables épreuves et qu'elle ait survécu, qu'elle se soit nourrie de cette expérience, de l'émotion et des transgressions."

Loin d'elle est l'adaptation d'une nouvelle, parue dans Le New-Yorker de l'écrivain Alice Munro, originaire, comme Sarah Polley, de l'Ontario. La comédienne a lu ce récit, The Bear Came Over The Mountain ("l'ours qui traversa la montagne"), dans un avion, en rentrant du tournage de No Such Thing de Hal Hartley. "J'ai été incroyablement émue", se souvient-elle. "Je venais d'achever un tournage avec Julie Christie et je voyais sans cesse son visage en imaginant l'héroïne. Ce n'est pas dans mes habitudes de penser à adapter les histoires que j'aime mais celle-là m'a fascinée. Pendant deux ans, je n'ai pas réussi à me sortir cette histoire de la tête et j'ai fini par demander au producteur Danny Iron de se renseigner sur les droits. Puis je me suis lancée dans l'écriture du script, un peu intimidée à l'idée d'adapter un travail que je respecte autant : Alice Munro est l'un de mes auteurs favoris. Ses personnages sont vrais, imparfaits, parfois attachants, parfois détestables."

Sarah Polley a choisi de donner le rôle principal de son film à Julie Christie, comédienne à qui elle avait donné la réplique dans The Secret life of words. Il n'était pas question de la maladie d'Alzheimer mais d'une autre forme de souffrance, puisque Julie Christie jouait le rôle d'une neurologue, fondatrice d'un centre de réhabilitation pour les victimes de la torture, face à Sarah Polley, elle-même victime. La première dit aujourd'hui de la seconde : "Elle a ce regard qui semble sonder l'âme. Elle est pleine de vie et très curieuse. Il est impossible de ne pas l'aimer. Toutefois, elle est assez déroutante, une seconde elle est avec vous, et l'instant d'après, elle est ailleurs - ce qui est tout à fait ce que j'ai ressenti à la lecture de la nouvelle avec Fiona."

Loin d'elle a été présenté au Festival de Berlin, dans le cadre du Panorama, et à Sundance, en 2007, ainsi qu'à Toronto en 2006.

Julie Christie et Michael Murphy, les deux patients amoureux, se retrouvent 35 ans après le tournage de John McCabe de Robert Altman.

L'actrice Olympia Dukakis, qui incarne l'épouse d'Aubrey (le patient dont Fiona tombe amoureuse), a été d'autant plus émue par cette histoire que sa propre mère a été atteinte de la maladie d'Alzheimer. La comédienne a été porte-parole d'une association américaine de lutte contre la maladie. Signalons qu'elle avait fait connaissance avec Sarah Polley sur le tournage de The Event de Thom Fitzgerald.

Le chef-opérateur Luc Montpellier parle de son travail sur le film, et notamment de l'importance de la neige : "Mon intention était d'entourer Fiona et Grant d'une douce lumière, très blanche, plutôt que de jouer sur les clichés romantiques avec des couleurs chaudes. La photo change quand nous arrivons à Meadow Lake. Nous avons utilisé la Steadicam pour montrer le désarroi de Grant dans ce lieu alors qu'il doit affronter un profond chagrin, et le remords."

Atom Egoyan, qui a dirigé Sarah Polley dans Exotica et surtout De beaux lendemains, a été producteur executif sur Loin d'elle. A propos de ce coup d'essai, il note : "Sur le tournage de De beaux lendemains, j'avais remarqué l'attention que Sarah portait à tous les aspects techniques. La réalisation est un aboutissement naturel de sa jeune mais riche carrière. Sa maturité transparaît à la lecture du script. Il y a une clarté, une simplicité et en même temps une vraie tension dramatique qui s'en dégage. Il permet de faire ce que le cinéma fait à merveille : nous transporter grâce à des histoires et des personnages."

Loin d'elle a été tourné dans l'Ontario, sur les bords du Lake of Bays, près de Bracebridge, sous une température de -33°C ! "Tout le monde avait les cils couverts de givre", se souvient la productrice Jennifer Weiss. "Nous tournions sur un lac gelé et c'était très intense. Dès le départ, il s'agissait de fixer l'essence cinématographique de l'arrière-pays canadien. En effet, ces lieux de tournage, en particulier les extérieurs, sont essentiels pour comprendre les personnages et l'existence que nous leur avons bâtie."

Pour jouer le rôle du Dr Fischer, Sarah Polley a fait appel à Alberta Watson, une de ses partenaires dans De beaux lendemains. Mais les amateurs de séries la connaissent surtout pour ses rôles dans La Femme Nikita et 24 heures chrono. Dans la quatrième saison des aventures de Jack Bauer, elle campe la directrice de la CTU, Erin Driscoll, mère d'une jeune fille schizophrène.