L'histoire d'une... je ne me souviens plus très bien.
Les films qui donnent des réflexions complexes et imperceptibles sont rares, et ainsi bien plus précieux qu'un simple divertissement. Attention à ne pas se laisser avoir par le synopsis, mieux vaut se référer à l'affiche où Julie Christie apparaît rayonnante.
Il s'agit peut-être d'un mélodrame dans la forme et le fond, mais on ne pleure pas car c'est l'intellect qui est sollicité.
A partir d'une histoire « banale » d'Alzheimer, on se retrouve confronté à la complexité des relations humaines. On est obligé si l'on veut comprendre, de faire le tri entre l'intelligence, les sentiments, les souvenirs, les rancœurs, les règlements de comptes, les caractères, la volonté...
Bref, au lieu d'un simple compte rendu documentaire des difficultés de l'accompagnement d'un patient oublieux de sa vie, on se retrouve dans un dédale entre la vision simple des faits et les sous-entendus qui font que la réalité n'est peut-être pas ce que l'on arrive à voir au premier degré. A ce titre, entre l'instinct et la perception plutôt que la science et la vision, c'est doublement un film de femmes, aussi bien dans les réactions des acteurs que dans le sens du scénario.
Les films sur l'amour profond ne sont pas légion car personne n'y croit vraiment dans un quotidien si difficile à gérer sans argent, vie sociale ou simplement désir pressant d'être comme tout le monde. Ici, un vieux couple sur le (très) tard ne nous donne plus l'impression de la passion adolescente, seulement d'un vrai attachement teinté d'affection longue de 40 ans. C'est peut-être une erreur, et c'est la surprise du film.
Tout nous montrer pour mieux nous faire comprendre que ce que l'on voit n'est pas forcément ce que les gens vivent, surtout dans leur tête. Et rend d'autant plus difficile l'interprétation des humains, malades ou en bonne santé.
C'est 3 ou 4 heures après le film que j'ai réfléchi à une approche différente des deux que j'avais élaborées, et ce me semble la bonne. Je n'en dirais rien tant ce film donne des clefs plus que des explications. Mais il faut savoir qu'il est ouvert, aussi bien dans sa fin que dans ses questionnements.
Dans ce sens, c'est un chef d'œuvre, le type de travail de scénario et de caméra qui n'existe que dans les polars à tiroir genre « Usual suspects ».
Loin du pathos ou des crises violentes si fréquentes aux USA ou dans les pays latins, on est plus à l'aise pour réfléchir avec des personnes CSP qui lisent, pensent et ne s'apitoient pas sur elles mêmes. Elles vont s'accrocher, la subtilité étant que les protagonistes ne comprennent pas tout de suite (ou en tout cas le spectateur un peu bourrin que je suis) qu'ils ne travaillent pas dans le même sens, même si c'est dans un même humanisme.
C'est aussi très beau au niveau cinématographique, on échappe à certains clichés, on ne garde que ce qui est supportable, et les yeux de Christie donnent beaucoup de charme aux montagnes gelées.
Les acteurs sont admirables puisqu'ils rentrent totalement dans le double jeu du scénario. La vieillesse n'est pas plus belle pour autant, mais on apprend à se résigner à vivre avec, c'est l'une des approches du film.
Neill Young nous chante par dessus la ballade des gens heureux, l'émotion est là, sans noyer le sens, c'est ce travail mûri sur le mélange des ingrédients qui fait la perfection de ce premier long métrage de Sarah Polley. Un cri du cœur qui sera peut-être le seul de la part de l'actrice, mais qu'il ne faut absolument pas rater, tant Alzheimer n'est pas le sujet principal.
Dommage que Cameron n'ait pas vu la nouvelle dans un magazine avant elle, il aurait peut-être enfin sorti son œuvre intimiste loin des tintamarres de « Solaris » ou « Titanic », lui qui croyait à l'amour éternel. On aurait eu droit à la version masculine.
Oh, si, une grosse critique quand même, la traduction est vraiment à côté de la plaque, on a des dialogues néo-conservateurs empesés alors que le peu d'anglais que j'ai entendu (et compris) donnent un ton dynamique et très contemporain.