The Dirt est le style de ballon baudruche qu’on achète à la fête foraine parce qu’il a l’air fun, mais qui se dégonfle rapidement.
Point positif, le casting. Iwan Rheon campe un fabuleux Mick Mars, Daniel Webber et Douglas Booth, en tant que Vince Neil et Nikki Sixx, s’en sortent avec les honneurs. Malheureusement, Machine Gun Kelly vient plomber l’ensemble, il n’est crédible ni par son jeu d’acteur inexistant, ni par son absence totale de charisme et de ressemblance avec Tommy Lee, quelle que soit la perruque dont on l’affuble.
Pour le reste, oui, je savais ce que j’allais voir. L’histoire de l’un des plus extrême groupes de hard rock américain, et de leur mode de vie forcément déjanté.
Le problème, c’est que si le film fait beaucoup de place aux différentes drogues qu’ils ont expérimentées et leur infinité de conquêtes sexuelles, il laisse, ironiquement, très peu de place au rock, égrené durant des ellipses narratives entre deux scènes répétitives : Nikki et Vince sont malheureux, Tommy casse tout, Mick a mal au dos.
Du processus créatif des chansons, de leurs influences, de leurs inspirations, on ne verra quasi rien, à part des acteurs mimant de mini bouts de clips ou de tournée, on ne saura rien de ce qui se cache derrière leurs chansons mythiques, pire le film déforme la réalité.
Ainsi pour « Home sweet home » Vince est présenté comme découvrant la chanson au dernier moment, alors qu’en réalité cette chanson est sûrement l’une de celles auxquelles le chanteur aura contribué le plus au niveau de l’écriture des paroles.
Le film est d’ailleurs très orienté et plein de partis pris.
Pourquoi le film ne mentionne-t-il pas que la mère de Nikki était elle-même chanteuse ? Que le jeune Frank fut confié à ses grands-parents, et que c’est parce qu’il volait déjà qu’il fut renvoyé chez sa mère ? Il a une image de sa mère (sûrement indigne, on ne le nie pas) dégradée parce qu’elle buvait et a eu un grand nombre d’amants, mais lui-même sera plus tard un grand buveur et enchaînera le sexe sans protection avec de multiples partenaires.
Mais voilà, c’est un homme ! Et concernant les femmes, la vision du groupe est sans appel. Il y a les saintes (la mère et la sœur de Tommy, Skylar, la petite fille de Vince
décédée d’un cancer
ou encore Heather Locklear,
sans doute pour être restée en bon termes avec Tommy et avoir autorisé l’utilisation de leur photo de mariage)
… Et puis il y a toutes les autres, amas de chair, de seins et de cuisses sans distinction.
Et c’est avec Tommy que le film déforme encore la réalité, d’une manière ulcérante.
Ainsi sa première (et très brève) épouse, Jaclyn, est présentée d’une manière doublement dégradante. Elle a couché avec Nikki (la trahison d’un pote, ça par contre on pardonne) et c’est une peste qui dit beaucoup de mal de la gentille maman de Tommy. Le jeune Tommy s’embrase, paf ! Une baffe et du sang.
Alors d’accord, admettons que cette Jaclyn fut effectivement une peste. Est-ce que cela justifie un acte de violence envers elle ? Et surtout, alors qu’au bout de quatre mois et un divorce elle a disparu à tout jamais de sa vie, est-ce que cela justifie l’ensemble du comportement violent que Tommy aura ensuite avec les femmes ?
Parce que le film s’étend très loin dans le temps, jusqu’aux ultimes tournées du groupe.
Alors pourquoi, si le film parle de l’accident de voiture de Vince qui coûta la vie à Razzle Dingle, ne parle-t-il pas des déboires judiciaires de Tommy, qu’il s’agisse de sa condamnation pour avoir frappé Pamela Anderson alors qu’elle tenait leur enfant dans ses bras, ou de sa non condamnation dans l’affaire de la fête d’anniversaire avec un enfant retrouvé mort dans sa piscine ?
Par ailleurs, le film présente Vince comme le « lâcheur » qui quitte le groupe, alors qu’en réalité, Tommy et Nikki avaient eux-mêmes à la même époque des projets solos . Ce qui aurait été une occasion de parler de Randy Castillo et de Samantha Maloney, mais une nana batteuse de rock, avec du charisme et de la personnalité et qui ne se laisse pas marcher sur les pieds, c’était peut-être trop dans ce film de mecs.
En somme à aucun moment, jamais, le film ne remet en question l’attitude de Tommy Lee. C’est un joyeux rigolo qui tourne dans une cage sur scène et fait tournoyer ses baguettes pendant que ses trois camarades « détruisent » le groupe à coup de drogue, d’alcool et de déprime. On sent lequel des quatre a mis le plus de billes dans la production.
Pour résumer, The Dirt est un film qui se veut réaliste et cru. Sauf qu’il vend une réalité déformée et que les scènes « crues » comblent le vide intersidéral du scénario et des dialogues (hormis quelques rares bonnes punchlines en général prononcées par Mick Mars, Doc Mac Ghee, et les deux formidables secouristes dans la scène de l’ambulance). On regrettera également que la musique soit sous-exploitée, alors qu’on parle d’un groupe de rock, et l’absence totale d’évocation de certaines personnes ayant jalonné l’histoire du groupe.
Presque mauvais, et très oubliable.