Ce qui me plaisait, dans l'idée de "Ceux qui restent", c'était justement de voir comment s'en sortaient les autres, ceux qui vivent encore normalement. Au-delà, bien sûr, pointait le thème du deuil et de la façon dont il est ressenti. Ici, l'un mourra et l'autre s'en sortira, tant bien que mal. Toute la beauté du scénario tient au mensonge, à mon avis. Ce mensonge (par omission) de Vincent Lindon suite au décès de sa femme. Cette volonté farouche de poursuivre ce quotidien qui est le sien depuis des années, qui le rassure, et puis aussi de retrouver la femme de l'hôpital, cette autre ombre.
Hélas, le personnage de Vincent Lindon semble "trop beau pour être vrai", si loyal et chevaleresque malgré cinq années d'hôpital qu'il en devient improbable. A contrario, Emmanuelle Devos est un modèle de lâcheté et de honte avouée. Ce couple bancal se construit malgré tout, avec ce qu'il faut de culpabilité et de désinvolture. Quant à la fille de Lindon, elle est trop caricaturale (crise d'adolescence, refus de voir sa mère...), alors qu'elle aurait pu jouer un rôle intéressant (et s'immiscer par exemple dans la nouvelle vie amoureuse de son père).
La mise en scène, après un début prometteur (une plongée incongrue donc forcément intrigante), se garde de toute originalité et perd son allant. C'est dommage, car les séquences qui se déroulent sur les toits, les corps serrés, les visages interloqués des vendeuses de journaux, auraient peut-être mérité mieux.
Si le sujet est passionnant, il aurait mérité d'être approfondi, et servi par une réalisation plus nerveuse, cernant au plus près les émotions des personnages. Chapeau toutefois pour l'originalité du propos.