Je suis un grand fan du roman de Jules Verne, l'ayant approchés maintes fois au cours de ma jeunesse, attiré comme un aimant par les illustrations représentant des duels de titans préhistoriques, pour finir par le lire sur le tard, mais qu'importe, puisque l’œuvre a fonctionné sur mon imagination avec une efficacité stupéfiante. Alors que dire, face à cette perle de vieux cinéma fantastique, typique des années 60, qui m'a fait ressentir la formidable atmosphère du roman tout en intégrant des ingrédients nouveaux et captivants ? La substance essentielle de l’œuvre est bien là, transfigurée à l'écran par de splendides décors grandeurs natures, filmés de telle façon qu'aujourd'hui encore on reste admiratif devant ces cavernes brillantes et ces forêts de champignons gigantesques, malgré les bévues techniques extrêmement flagrante (pardonnez moi mes les murs de roches argentés recrées à l'aide de papier alu...). Cet aspect désuet des effets spéciaux, à travers la caméra d'Henry Levin, devient pour ainsi dire adorable, on sourit sans cesse jusqu'aux oreilles, non pas pour se moquer, mais parce qu'on est attendrit par l'amour et le soin que ces artifices ont reçus. Quant aux lézards à crêtes, ils m'ont personnellement surpris, je ne m'imaginais pas que l'intégration et l'agrandissement d'une image dans une autre était possible à l'époque, et certainement pas avec une telle efficacité (tant cette possibilité à été peu employé, voir par exemple La machine à remonter le temps de George Pal, sorti dans les mêmes eaux). Le clou du spectacle demeure la séquence magistrale où l'Atlantide est engloutie sous des torrents de lave tandis qu'un varan à la gueule maculée de sang tente de dévorer les protagoniste. Et bien, la lave est absolument, le saurien est davantage convaincant et la destruction des bâtisse relativement satisfaisante. Pourtant, ce moment, même en 2012, reste empreint d'un souffle épique indéniable, plus fort que dans n'importe quelle production noyée d'effets numériques sans âme. La tétanisante partition de Bernard Hermann y est sûrement pour quelque chose, à elle seule elle décuple l'ampleur de la scène où Charles Linderbrook donne une sorte de cérémonie avant de pénétrer dans le cratère menant au centre de la Terre. Le ton du film est toujours léger et agréable, les dialogues excellents totalement dans l'esprit du bouquin participent particulièrement à nous accrocher à l'écran, et leurs interprètes livrent des personnages bourrés de vitalité décrassés de tout manichéisme excessif. James Mason offre une performance d'anthologie en professeur iconique, obsessionnel et coléreux envers les femmes, Pat Boone joue un apprenti ayant une part d'humanité plus grande que son maître, Arlene Dahl une comtesse irlandaise aventurière qui casse le cliché de la potiche inutile qui sévissait dans bon nombre de film d'aventures à cette période de l'histoire du cinéma, et Peter Ronson est un peu le Schwarzeneger de l'équipe, il en impose avec sa présence et non avec des mots (aussi l'acteur a fait le choix judicieux de parler le moins possible, préférant la gestuelle pour communiquer avec les autres). Ce petit quatuor des plus sympathique sera confronté à un méchant, incarné par le patibulaire Thayer David, ce qui instille un suspens bien supérieur à celui du livre. En effet, le scénario s'inspire du chef d’œuvre de Verne mais se montre extrêmement infidèle à ce dernier. Une vraie transposition à l'écran a été réalisé, et pour le meilleur, dirais-je, car ainsi le film se pourvoie de qualités cinématographiques bien plus poussées que si il s'était agit d'une reprise à l'identique. L'humour se montre omniprésent, la narration prend un rythme plus rapide avec davantage de péripéties et une complexité affinée, à rebours de la tranquille mise en place de Verne. Le film en ressort plus intense, passionnant de bout en bout et adorable jusqu'au bout des ongles. Il est devenu instantanément un bon petit classique de ma filmothèque dès ma première vision.