"Blindness" est un film étrange, dans le sens où je m'attendais à autre chose, plus proche de "Contagion" que d'un film apocalyptique qui laisse libre cours à l'interprétation du spectateur.
Ceci dit, "Blindness" offre 2 visages distincts, une première partie intrigante mais trop longue et un poil incohérente
(sur la façon dont est traitée la possible contagion)
et une seconde plus percutante alternant noirceur et espoir. Le démarrage est assez saisissant, sorte de saut dans l'inconnu qui sert en réalité de justification pour la suite
(le film dépeint en effet une Humanité en perte de solidarité, à l'image du gars qui vole la voiture de l'aveugle)
et le propos général du film
(la reconstruction du monde)
. Il y a quelques lenteurs dans la préparation générale de l'environnement
(la quarantaine assimilable à une prison anarchique)
, néanmoins le scénario brosse assez bien une situation entre humour
(la bagarre d'aveugles, la femme qui devient aveugle après le sexe)
, émotion
(les 2 mariés qui se retrouvent)
et horreur
(le flic qui joue avec la femme faussement aveugle)
, avant une dernière moitié très forte, métaphore de la nature humaine et de ses travers
(viol, sexisme, dictature, adultère, rationnement, mort)
, et de ce que le monde pourrait devenir
(les décors apocalyptiques sont bluffants et très bien filmés, les gens se battent pour la bouffe, les chiens dévorent les hommes)
. L'issue mystérieuse donnera lieu à plusieurs hypothèses, voici ce que je pense:
pour moi, il y a un message religieux derrière cela, les gens atteints de cécité ont été contraints de suivre aveuglément un guide voyant (la femme du médecin, sorte d'envoyée de Dieu portant le fardeau de tout le monde et une grande responsabilité sur ses épaules) pour survivre et se reconnecter (c'est la femme du médecin qui déclenche la révolte contre les monstres du dortoir avec l'assassinat du chef puis l'idée de la fumée). La soi-disant épidémie ne concerne pas les bureaucrates car ils ne sont pas considérés comme dignes d'être sauvés et sont perçus comme les responsables de l'apocalypse. À la fin, les gens vont recouvrir la vue progressivement et la femme du médecin ne devient pas aveugle, elle croit le devenir, avant de baisser la tête et de voir un monde reconstruit, symbole d'un renouveau effectué à travers les survivants de l'épreuve de Dieu.
Sur la forme, "Blindness" est une belle prouesse visuelle jouant habilement sur la lumière et l'ombre pour servir son propos
(le film dépeint en effet une Humanité en perte de solidarité, à l'image du gars qui vole la voiture de l'aveugle)
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, les acteurs sont excellents (j'adore Julianne Moore, parfaite) et le fait que personne n'ait de nom et que l'on ne sache pas dans quelle ville tout se déroule confère à l'ensemble un critère d'universalité pertinent.
Au final, le parti-pris du film peut décontenancer et la mise en route est parfois poussive, mais "Blindness" monte crescendo, capte l'attention du spectateur dans sa peinture cruelle, choquant, terrifiante et aussi pleine d'espoir d'une Humanité en proie à la destruction et interroge intelligemment en laissant sa fin ouverte. Julianne Moore est bluffante.