Quand le réalisateur de La Cité de Dieu s'intéresse au roman "L'Aveuglement" de l'auteur portugais José Saramago, c'est un nouveau choc qu'a droit le spectateur. Il faut dire que cette inhabituelle histoire d'épidémie de cécité est aussi fantasque qu'intrigante, notamment lorsque les victimes s'amoncellent de plus en plus et sont mises en quarantaine dans des dortoirs où vont bientôt régner désordre, anarchie et chaos. Un sujet glacial et inédit mis en scène avec un réalisme poignant par Fernando Meirelles, décidément plus que doué quand il s'agit de filmer l'horreur la plus humaine possible... Le scénario est donc d'une intensité bouleversante, nous happant littéralement du début à la fin grâce à une mise en scène à la fois épurée et magnifique, portée par une musique enchanteresse. Un homme perd soudainement la vue de manière expliquée, contaminant la population d'une ville inconnue. Parmi toutes les victimes, une seule femme (Julianne Moore, toujours aussi impressionnante) va garder la vue, pour on ne sait quelle raison, et guider tant qu'elle pourra ses compagnons, dans le meilleur comme dans le pire. Et le pire vient naturellement lorsque toute une nouvelle société se créé peu à peu, avec ses leaders, ses faibles, ses traitres et ses horreurs. Aucun nom ne sera dévoilé, ni aucun indice ou explication : juste l'effroi le plus total pour ces personnages travaillés et attachants. Ainsi, le spectateur va rapidement se mettre à leur place, aussi déconcerté que fasciné par cette inhabituelle situation. Meirelles filme donc avec soin et onirisme un monde sombrant dans le chaos, comme une nouvelle apocalypse dont seuls le spectateur et notre héroïne vont être concrètement témoins. De plus, outre une mise en scène bluffante et un sens inouï de la narration, l'interprétation est à saluer tant chaque acteur s'avère crédible en non-voyant de fortune, de l'excellent Mark Ruffalo à l'impressionnant Gael García Bernal (ici dans un rôle à contre-emploi étonnant) en passant par le désormais trop rare Danny Glover et la brillante Alice Braga, qui retrouve le réalisateur brésilien six ans après La Cité de Dieu. Œuvre sous-estimée et parfois dénigrée en raison de son très étrange sujet, Blindness n'en demeure pas moins un exercice de style réussi pour Meirelles et un drame quasi-science-fictionnel incroyablement intense dont on n'en sort pas indemne. Un choc à voir absolument.