Drôle de film, qui se cherche entre film à message et film fantastique. Un jour, un homme devient subitement aveugle, puis deux, puis dix, l'épidémie se propage à une vitesse foudroyante et les autorités mettent les malades en quarantaine -parqués dans un sana désaffecté où on leur envoie, de loin, de la bouffe, et où on abat quiconque tenterait de sortir. Juliane Moore n'est pas touchée mais se fait passer pour malade afin d'accompagner son mari, Mark Ruffalo. Elle assiste à la désagrégation de la société, les ordures qui s'entassent, la saleté des corps, la naissance de gangs -une petite frappe, Gael Garcia Bernal, a un revolver; devenu le chef de son dortoir il rackette la nourriture, dépouille les autres puis lorsqu'ils n’ont plus rien, viole leurs femmes -dernières monnaies d'échange... Ce film fait peur (devenir aveugle, c'est angoissant et plus probable que de trouver un loup-garou dans sa cuisine) et met mal à l'aise. C’est une "cécité de blanc" : les malades ne voient pas tout noir, mais tout blanc. Le réalisateur Fernando Meirelles joue avec l'image, souvent presque blanche, souvent distordue, et réussit à créer chez le spectateur un vrai malaise visuel. Lorsqu’ils peuvent sortir, l'univers entier a été frappé de cécité. La ville est un agglomérat de ferrailles et de détritus où des bandes d'aveugles, se tenant par l'épaule comme dans les tableaux de Breughel, errent à la recherche de nourriture dans les magasins déjà pillés. Quel chaos serait notre monde si nous devenions tous aveugles? Autour du couple, s'est formée une sorte de "famille", une chaîne solidaire. Quand le premier malade retrouve la vue aussi subitement qu'il l'avait perdue, l'espoir renaît....Mais le pire, n'est ce pas pour la femme d'avoir été la seule clairvoyante, dans un monde d'aveugles? Là est la leçon du livre de José Saramago. Malheur à celui qui voit clair dans notre monde. Beau film, un peu long sans doute -mais c'est la maladie chronique du cinéma actuel...