"Special" est un petit film indépendant au budget que l'on sent aussi élevé que le compte-épargne d'une sauterelle en fin de vie mais cela n'empêche pas ce "real super-hero movie" de fourmiller de bonnes idées originales qui se traduisent avec plus ou moins de succès à l'écran.
Les, un fan de comics introverti et esseulé, devient le cobaye d'une expérience visant à tester les effets d'un nouvel anti-dépresseur. Le médicament développe chez lui d'étonnantes capacités (vol, télépathie,...) et il décide de devenir un vrai super-héros.
Mais, il y a un hic : et si les effets secondaires de ces pilules ne se résumaient en fait qu'à enfermer Les dans un délire hallucinatoire où il serait doté de super-pouvoirs et étaient peut-être même révélateurs d'une schizophrénie patente ?...
Tous comme ses cousins éloignés, les très bons "Super" et "Defendor", "Special" aborde le mythe du super-héros par le prisme du réalisme et d'un héros aux portes de la folie à cause d'une instabilité émotionnelle refoulée.
Et ça marche, le film n'est jamais autant réussi que lorsque la tristesse touchante de ce personnage azimuté est mise en exergue, que cela soit par sa solitude, sa timidité à aborder une jolie caissière de supermarché (la conclusion de cette petite romance est une véritable merveille) ou, bien évidemment, sa folie naïve et enfantine dans sa manière d'utiliser les codes de comics pour s'enfermer avec une certaine véracité dans son délire super-héroïque.
Il fallait un comédien à la hauteur pour incarner tout ça et c'est Michael Rapaport qui s'y colle (le genre d'acteur dont on connaît tous le visage mais jamais le nom) et, de quasiment tous les plans, il est parfait, trimballant sa grande carcasse d'enfant au regard innocent prisonnier d'un corps d'adulte qui aurait grandi trop vite.
L'émotion de sa prestation imprègne autant "Special" que l'écriture sur laquelle elle repose.
Le principal problème de "Special", c'est qu'il s'agit d'un film très indépendant.
Il y a bien sûr ce côté vraiment cheap dans les effets mais, au fond, ceux-ci sont en parfaite adéquation avec l'esprit infantile du héros.
En fait, c'est visuellement que "Special" déçoit et, non pas par son manque de budget, mais parce qu'il culmule tous les tics du cinéma indé US : une photographie horriblement laide, une caméra tremblante pour apporter du réalisme (qui a, un jour, décrété que ça marchait réellement ?), une BO inégale qui manque d'ampleur à apporter au propos, etc...
C'est donc sur la forme que "Special" manque le coche d'être vraiment un très bon film car le sujet original et un immense Michael Rapaport étaient pourtant bien là.