"Cléo de 5 à 7" ressort en ce moment dans les salles
Le premier jour de l'été 1961, Cléo, une jeune chanteuse à la mode, erre dans Paris dans l'attente anxieuse du résultat d'une analyse médicale. Elle achète un chapeau, passe chez elle, travaille avec ses musiciens, se promène avec une amie modèle et finit par rencontrer un jeune militaire qui s'apprête à repartir combattre en Algérie.
"Cléo de 5 à 7" est un film indémodable, follement élégant à l'image de son héroïne Corinne Marchand (qui n'a pas eu la carrière d'une Deneuve alors qu'elle en avait tous les atouts), d'une gravité légère (l'héroïne est hantée par la mort) et d'une légèreté grave (les sous-entendus coquins du titre)
C'est le trajet d'une femme, qu'on découvre tour à tour superstitieuse, frivole, narcissique, grave et amoureuse. Pendant la première partie du film, Cléo, toute de blanc vêtue, attire les regards. Elle rentre chez elle, se change, passe une petite robe noire et des lunettes de soleil. Dans la seconde partie du film, elle passe inaperçue et commence à regarder les autres.
C'est un trajet dans l'espace, aussi et surtout. Car Varda, comme Demy, Marker ou Resnais, profite des progrès techniques pour filmer dans la rue, en décors réels. "Cléo de 7 à 7" est un véritable documentaire sur le Paris des années 60 (comme "Le joli mai" ou "Paris vu par"). On pourra faire la cartographie de "Cléo de 5 à7" qui commence dans la rue de Rivoli, franchit en taxi la Seine jusqu'à Vavin, puis gagne le parc Montsouris avant de se terminer à l'hôpital de la Salpêtrière.
Ce Paris, vieux de 50 ans seulement, est quasi méconnaissable. La tour Montparnasse n'a pas encore été construite ; la Samaritaine est encore ouverte ; on croise encore des prêtres en soutane, des bonnes sœurs en cornettes et des militaires en uniformes. Une seule chose n'a pas changé : les lignes de bus sont toujours les mêmes : le 72 suit la rue de Rivoli jusqu'au Pont-neuf, le 21 remonte le 13ème arrondissement ouest, le 67 fait terminus à Pigalle.