9 ans après son triptyque « Seigneur des anneaux », Peter Jackson entame une nouvelle trilogie, celle du « Hobbit ». Le projet était initialement prévu d’être dirigé par Sam Raimi. Il est passé entre les mains de Guillermo del Toro (« Hellboy » et « Le labyrinthe de Pan », c’est lui). Ron Perlman, son acteur fétiche, avait tout de suite signé pour s'inscrire ! C'est finalement le réalisateur de la version moderne de « King Kong » (années 2000) qui s'en est occupé.
« Le Hobbit, Un voyage inattendu » (2012) est tiré de l’univers de John Ronald Reuer Tolkien (plus connu sous son pseudonyme J.R.R. Tolkien) ainsi que du roman (pour enfants !) originel intitulé « Le Hobbit », sa première publication. Ce « Voyage inattendu » se verra doté de deux suites : « La désolation de Smaug » puis « La bataille des cinq armées », toujours de Jackson.
Scénario du premier opus : Bilbon Sacquet le hobbit rejoint une bande de nains, dont le chef n’est autre que le légendaire guerrier Thorin, qui a comme objectif de reprendre son royaume déchu aujourd’hui propriété du dragon Smaug. Durant cette quête, cette communauté affrontera milles dangers : orques, gobelins, araignées, sorciers… .
Durant la première heure, Peter Jackson prend bien le temps de poser son décor, ses lieux-dits (sur le même exemple type de carte que « Le seigneur des anneaux ») ainsi que ses personnages, tous plus fouillés les uns que les autres : Bilbon, Thorin, le nain-vieux, le chef des orques (non présent dans la précédente trilogie), le chef gobelin, Gollum, mais aussi Gandalf.
Les décors ont un rendu des plus réalistes possibles, les costumes ont été méticuleusement travaillés et fignolés avec un rendu du détail pour le moins impressionnant et les effets visuels (spéciaux, numériques et de performance capture) rendent attractif les aventures auxquelles Peter Jackson nous convie.
En parlant de l’image, ultra-calibrée, le procédé HFR (High Frame Rate) est utilisé pour la première fois au cinéma. Cette technique permet de rallonger la prise de vues à 48 images/seconde à la place de 24 images/seconde depuis les années 1920, et ainsi de fluidifier l’image. Le rendu en est d’autant plus impressionnant et stylisé, et le spectacle, total. Bravo messieurs les techniciens !
Récompensé pour son travail sur les volets un et trois du « Seigneur des anneaux », Andrew Lesnie, le compagnon de route de Peter Jackson à la photographie, nous sert, de par son invention HFR, de superbes belles images à couper le souffle ! Les paysages sont majestueux, les gros-plans cadrés ne manquent pas de lumière, et les couleurs sont astucieusement déployées en fonction de l’ambiance générale voulue et à mesure que le film avance. C’est un style racé d’Andrew que je retrouve après ma première incursion dans « La communauté de l’anneau » qui laissait entrevoir tout son génie, aujourd’hui disparu. Tous mes hommages Monsieur Lesnie.
Encore et toujours à la musique, le compositeur Howard Shore complète l’ambiance photo par une rythmique lancinante qui a l’art de faire décoller le film en une épopée dont personne ne sortira jamais indemne. La BO, sulfureuse, acide, bucolique et guerrière, faite de mélopées et d’autres partitions toutes plus jouissives les unes que les autres, se targue d’être une composante à part du « Voyage inattendu ». Shore, qui avait misé sur Scorsese (« Hugo Cabret ») et Cronenberg (« A dangerous method ») pour ses deux dernières expériences, revient en très grande forme pour nous accrocher à des rochers vivants combattants. A l’abordage !
Ensuite, pour parler casting, nous avons droit à un florilège de bons acteurs qui jouent extrêmement bien. Le mélange générationnel, tel « Le seigneur des anneaux », fonctionne toujours aussi bien, et peut être même… mieux ! Sans doute que Peter Jackson a appris de ses petites erreurs du passé. Sic !
Dans le rôle du jeune hobbit, Martin Freeman (sa notoriété commence dès les années 2000 : « Shaun of the dead », « H2G2 »…) apporte tout son talent !! Sa désinvolture, ses facéties de visage, sa simplicité à être naïf, intelligent, rusé, gai, à prendre pitié ou se battre met tout le monde d’accord. Déjà qu’il était compliqué à Elijah Wood de complexifier son rôle au fur et à mesure des épisodes précédents, Martin Freeman remplit haut la main à inscrire son interprétation hobitienne dans les annales. Car si Elijah faisait du très bon boulot, ici, c’est du plus que parfait !! Et le mot est faible. C’est dire de la grandeur (et donc de la conviction !!) de Martin à jouer ce personnage complexe. Extra, Martin !
A ses côtés, la partition du roi Thorin est assurée par un Richard Armitage (acteur de théâtre qui s’est illustré dès sa première apparition dans « Star wars, la menace fantôme » !) charismatique et convaincant à souhait. Comment ne pas penser à Aragorn en le voyant ? Car si Armitage nous sert un personnage dont on ne connaît pas encore sa personnalité, nous ne sommes qu’au début du « Hobbit », on perçoit la substance d’un Mortensen en puissance, et donc d’un nouvel espoir masculin dans le cinéma de demain. Le duo Armitage/Freeman formé, c’est l’ossature du « Voyage inattendu » qui prend forme ! Bravo, Jackson !!
Parmi les autres rôles, on retiendra les figures déjà présentés dans « Le seigneur des anneaux » qui peuvent avoir ici une personnalité autre. Ian McKellen (« Last action hero », « X-men » au cinéma, « En attendant Godot » avec Patrick Stewart au théâtre) le fougueux et Gandalf sont maintenant indissociables, tout comme la fantomatique Cate Blanchett (oscarisée pour « Blue Jasmine » et « Aviator »)-Dame Galadriel, l’admirable Ian Holm (sa consécration critique : « Les chariots de feu ») en Bilbon âgé, l’apparition frodienne d’Elijah Wood (« Flipper », « The faculty », « Gran Piano » également avec John Cusack, …), le téméraire Hugo Weaving (« Matrix » !)-Elrond et Saroumane le blanc-Sir Lee (« Le cauchemar de Dracula » pour n’en citer qu’un !) qu’on retrouve comme un parti du conseil suprême de guerre (quelle élégante surprise pour ma part !!!).
Sans oublier le point d’orgue Serkis-Gollum. Il s’agit non seulement d’un clin d’œil, mais aussi d’un point de référence pour le démarrage de l’autre trilogie de Tolkien, esquissé en un anneau dont on découvre les pouvoirs. C’est ici que la performance capture est utilisée de manière redoutable, d’une roublardise étonnante et qu’Andy Serkis fait preuve d’une ingéniosité incomparable pour sa qualité et sa performance d’interprétation. C’est too much, et j’adore !!! Les fans, aussi. De plus, il se fait également réalisateur de seconde équipe de la technique qu’il a révolutionnée au cinéma. Youpi !
Parachevons par la mise en scène électrique du metteur en scène et nous avons droit à un cocktail flambant neuf d’aventures, d’héroïsme pur, de cascades, d’action, de courses-poursuites, de batailles bigrement bien chorégraphiées, de scènes de guerre flambant neuves, de créatures toutes plus affreuses les unes que les autres, et surtout, d’un dragon qu’on ne voit en tout et pour tout, qu’une minute ! Cet enchevêtrement que Peter Jackson a mis au goût du jour est plus jouissif que la première partie du « Seigneur des anneaux » qui misait davantage sur l’ambiance.
Pour conclure, « Le Hobbit, un voyage inattendu » est bien un film de fantasy porté sur le spectacle à la manière du « Retour du roi ». Ce blockbuster a tout d’un divertissement intelligent haut de gamme.
Ma note : 3 étoiles sur 4.
Interdit aux moins de 12 ans et accord parental souhaitable.
Spectateurs, barricadez-vous ce soir de peur qu’un… cambri’hobbit ne vous vole votre TV !!