Voilà dix années que « Le Hobbit » jouait l'Arlésienne. Titillant notre nostalgie, excitant notre passion, le projet se dévoilait progressivement au travers d'alléchantes bandes-annonces et de journaux de production qui vantaient la puissance de l'armada technologique du réalisateur néo-zélandais.
Durant cet atermoiement, le projet fut remanié : en 2010 Guillermo del Toro abandonnait la réalisation après deux années d’investissement, « Le Hobbit » allait à Peter Jackson et la dilogie initiale prévue par le réalisateur mexicain devenait une trilogie. Cette dernière annonce, tombée durant l'été, soulevait une question de bon sens : comment un livre de trois-cent pages pourrait-il engendrer trois films, à l'instar du Seigneur des anneaux qui pourtant est une œuvre littéraire dépassant les mille pages ? Le problème n'est pas mathématique selon Peter Jackson qui nous informait alors qu'il mêlait au Hobbit « Les contes et légendes inachevées » ainsi que les appendices du Seigneur des anneaux. Personnellement, pressentant que « Le Hobbit » gagnerait en densité et que le lien avec la précédente trilogie serait ainsi renforcé, l'explication me satisfaisait ! A plus forte raison que les bandes-annonces avaient dressé mes poils au garde-à-vous ! Au gré du lent tamisage des informations, l'attente s'avéra finalement être une aventure en elle-même. Puis « Le Hobbit » vint à sortir en salle, enfin ! Derechef, je débaroulai au cinéma pour découvrir l’aventure. Mais quelle déconvenue,...même si le sentiment en est venu graduellement. Dépité, je finis par accepter l'idée qui s'imposait, nette et forte, dans mon esprit : « Le Hobbit » est un film écœurant ! Je le dis platement : à tout point de vue, « Le Hobbit » est un hideux ratage.
Certes, il faut tenir compte du fait que J.R.R Tolkien a écrit « Bilbo Le Hobbit » pour le jeune Cristopher R. Tolkien, il fallait donc effectivement s'attendre à un ton moins sombre que dans le Seigneur des anneaux, ce dernier s'adressant à un public conquis et adulte. J'avais en outre lu les deux histoires, je connaissais la distance qui séparait chacune des œuvres et m'étais bien décidé à ne pas comparer l'une à l'autre. Il n'empêche que, pour tout ce qui participe à l'ambiance, à l'esthétique de l'univers, le rapprochement était inévitable. Aussi Jackson avait une tâche ardue : émanciper « Le Hobbit » de l'ombre du SDA,...Pourquoi diable s'obstine-t-il alors à recycler plans et répliques de l'ancienne trilogie ? On croirait voir une parodie,... Cette impression est d'ailleurs cristallisée par la présence d'un humour bancal propre au cinéma hollywoodien. Soit, mais Hollywood marque bien plus profondément « Le Hobbit » en lui imposant son exigence du sensationnel. De ce fait, l'action du Hobbit est démesurée, mal dosée, les scènes sont étirées et le film s'éternise,...Ce n'est pas le visuel qui préservera de l'ennui car le travail sur la photographie est excessif : l'image ne se laisse pas regarder, elle vous refuse la contemplation en vous crachant dans les yeux des couleurs tapageuses. A cela vient s'ajouter une caméra folle, qui enchaîne les travellings aériens, nous amenant au bord de la nausée. Si encore elle filmait du beau cette caméra agitée, mais, à part certains décors enchanteurs, notamment Erebor et Dale, elle filme de la CGI, des images de synthèse partout, à vous rendre dingues : les décors, les créatures,...Hors du film, je les aurais trouvées sympathiques ces créatures modélisées (on y sent d'ailleurs la patte de del Toro), mais, dans le contexte, elles participent à la sensation éprouvée devant un trailer de jeux-vidéo.
En outre, cette image de synthèse omniprésente donne la sensation que tout environnement est étudié, et, de ce fait, qu'il perd son hostilité potentielle pour devenir servile à l’aventure et aux aventuriers. C'est le sentiment d'être enfermé dans le studio du réalisateur, qui contrôle intégralement son univers archi-toc. De quoi vous rendre claustrophobe! Le sentiment est renforcé par les failles du scénario qui rendent compte d'une Terre du Milieu faisant la taille d'un terrain de football : on est jamais perdu dans ce monde ! (Radagast trouve Gandalf instantanément, Gandalf est au courant que la bande, pourtant « perdue » au cœur de la montagne, est en danger,...)
Mais il n'y a pas que Peter Jackson qui échoue à me ravir, Howard Shore n'enchante pas plus avec sa musique redondante, il a écrit « Misty mountains cold», il trouve que c'est joli et bien : chaque scène un rien épique se verra accompagnée de « Misty... ». Les acteurs ne sont pas mauvais, ils sont quelconques et, du coté des treize nains, on verse dans la caricature pour nous permettre d’identifier chaque membre de l’équipe; par exemple, en VF, Dwalin parlera comme un vétéran de l'armée rouge (les terres désolées c'est à l'est de la Terre du Milieu, c'est pour ça hein?) c'est irritant mais ça passe. Par contre l'acteur qui joue Radagast est un authentique histrion qui surjoue totalement et mettrait presque mal à l'aise.
Il n'y a, à mon avis, rien à sauver dans ce film qui détient le triste titre de « Film le plus cher de l'histoire » avec un budget plus de deux fois supérieur à celui du Seigneur des Anneaux sans que rien ne justifie ce prix exorbitant, sinon quelques séquences ( Les géants des montagnes par exemple) inutiles et dispendieuses. Une somme titanesque gauchement dilapidée donc,...Mais ça fait rien, ils ramasseront plusieurs milliards chez NLC, WB et MGM alors bon, si je n'apprécie pas l'idée que Peter Jackson puisse être un réalisateur vénal, il n'empêche que la franchise fera les choux gras des trois studios,...