Derniers Avis : Still life - Page 8

Voilà un film sur lequel il est bien difficile de se prononcer. En tous cas, une question se pose: a-t-on bien fait de donner le Lion d'or à Jia Zhang Ke? Lui a-t-on rendu réellement service? Jia Zhang Ke a été encensé par toute une partie de la critique, là encore, est-ce lui rendre service? Car, si la valeur documentaire du film, sa force de témoignage sont très grandes, l'abus de plans interminables et le peu d'intérêt présenté par les deux héros font que c'est, par moments, totalement barbifique. On a l'impression de voir une prestation de l'ancienne "Nouvelle vague", un mode de manipulation de l'image qu'il faut être très grand pour maîtriser... mais Jia Zhang Ke n'est pas Ozu.
C'est un film profondément triste au sens où la Chine est un pays profondément triste. Il suinte la pauvreté, la solitude des habitants. L'image est sale comme le pays est sale. Il devrait être beau, ce paysage, sans ce ciel plombé et ce brouillard pollué accroché à flanc de colline. La façon dont on détruit les habitations sans se soucier du devenir de leurs misérables habitants, c'est bien la Chine de toujours, et pas seulement, comme on pourrait le croire, le fait des nouvelles classes riches. Le mépris des individus est, hélas, inscrit de toujours dans la vie chinoise et ce serait dommage que le spectateur non familier avec ce pays ressorte de la salle avec la conviction que c'est l'étrange libéralo-communisme actuel qui est la cause unique de toute cette détresse. Que les chinois résignés acceptent, d'ailleurs, et c'est peut-être cela le plus désespérant.

Ce film est magnifique. L'intrigue est très simple, mais le film raconte énormément de choses sur la société chinoise et son évolution au moyen de quantités de détails de scénario, de mise en scène, de décors. Rares sont les oeuvres d'une telle richesse.

Un film admirable. Jia Zhang-Ke étonne une nouvelle fois par son audace et son talent (lion d'or a Venise à 36 ans !). Il s'y joue, comme dans The World d'ailleurs, une cristallisation de l'état du monde. Mais qu'y a-t'il dans ce film, subtil s'il en est ? La nature, les Hommes, le monde, l'argent, la consommation, le bonheur. Construire et détruire en même temps, aimer et se séparer. La double narration d'un parcours, d'un arrachement et d'un dépaysement, pour se retrouver ou se séparer. Un OVNI passe... est-ce plus étrange que ce barrage qui fait se déplacer plus d'un million de personnes ? que ce monument aux pionniers qui s'envole ? La normalité y est étrange, quand l'étrange réconforte pourtant. On passe a travers ce film comme San Ming a travers les décombres. La-bas, on vit sous les ponts aussi, enfin non, on vit dans les ponts. Le pont, le lien ? Celui dans lequel on se réfugie, donc, celui qui est impossible et beau comme cette danse devant le barrage. Jia représente la Chine dans le monde avec ce qu'il a de plus précieux, l'Humanité.
Avant/Après ? plutôt pendant, entre deux, comme cet équilibriste qui pourquoi pas, pourrait s'envoler aussi.