Autour, d'un événement aux conséquence économiques, sociales, et même culturelles d'envergure (la construction en Chine d'un barrage géant et la destruction de l'habitat qui en découle), Jia Zhang Ke noue un certain nombre d'intriques qui ont valeur documentaire, et derrière lesquelles il faut voir, sans aucun doute, une critique de la société chinoise, où la vie des citoyens n'a que peu d'importance quand il s'agit de la réalisation des grands projets. La mise en scène est lente, les dialogues plutôt rares, mais les images suffisent amplement à donner à ce film un regard politique très affiné, une force sociale jamais démentie. A titre d'exemple, une des scènes les plus fortes est quasi silencieuse, l'arrivée d'un des personnages, à la recherche de sa fille, sur les lieux du barrage, emmené par un taxi-moto. Il arrive au milieu de nulle part, l'adresse n'existe plus... Bien d'autres situations, décrites avec sensibilité, auront la même force que celle ci, et donnent à ce film une valeur humaniste. A l'opposé du cinéma américain, qui ne sait plus prendre le temps de montrer, qui prefère souvent déjà donner toutes les explications aux spectateurs et lui imposer des émotions, la caméra du réalisateur chinois scrute, par sa retenue et sa capacité à révéler un cadre socio-économique, les profondeurs de l'âme humaine confrontée aux changements brutaux imposées par la politique et les grands travaux.