Le Scaphandre et le papillon, film de Julian Schnabel sorti en 2007 est une œuvre bouleversante et une ode sublime à la création artistique, Prix de la mise en scène au festival de Cannes. L'histoire de Jean-Dominique Bauby, poignante, est ici adaptée de son livre écrit avec des battements de paupière.
Jean-Dominique Bauby, dit « Jean-Do » est un homme comblé. Rédacteur en chef du très populaire magazine féminin Elle, marié et père de famille, il est un exemple de réussite. Ironie tragique de la vie oblige, Jean-Do se retrouve plongé dans le coma après un accident vasculaire-cérébral. Bauby va se réveiller 3 semaines plus tard, victime du « locked-in syndrome », entièrement paralysé sauf de son œil gauche avec lequel il va apprendre à communiquer grâce à l'aide précieuse d'une orthophoniste.
Julian Schnabel est à la base un peintre, et ça se voit dans ce film. Après s'être intéressé à la vie de l'artiste américain Jean-Michel Basquiat dans Basquiat en 1996 et à l'écrivain Cubain, Reinaldo Arenas dans Avant la nuit en 2000, le cinéaste se lance en 2006 dans l'adaptation du livre de Jean-Dominique Bauby, Le Scaphandre et le papillon. Ce cheminement est très cohérent ; figure importante du néo-expressionnisme, Schnabel est sans cesse dans l'expérimentation et les nouvelles façons de créer le fascinent ainsi que les processus artistiques. C'est pour cela qu'il s'est penché sur l'émouvante histoire de cet homme qui a réussi à écrire un livre en clignant de l'œil. Enfermé dans son corps, dans son « scaphandre », Jean-Do va réussir, à force de courage et d'imagination, à créer une œuvre littéraire. Schnabel pousse l'expérimentation assez loin, décadrages, flous, montage nerveux, le cinéaste choisit de nous raconter l'histoire à travers l'œil unique de Bauby. La première demi-heure, entièrement en vue subjective nous plonge littéralement dans l'enfermement que peut ressentir une personne qui se réveille totalement inerte, sans pouvoir bouger ni parler. Puis petit à petit, au fur et à mesure que Jean-Do apprend à communiquer puis commence à écrire son livre, il se libère. A partir du moment où celui-ci accède à la création, que son esprit s'évade enfin de son scaphandre, il devient ce papillon dont parle le titre. La caméra se désolidarise également de ce carcan et de l'œil figé de Bauby et se déplace enfin, nous montre des images mentales, utilise l'espace et change de point de vue. Schnabel passe de cadrages fixes en envolées lyriques grâce à des travellings poétiques et une caméra portée virtuose. En ce sens, le réalisateur américain livre un film visuellement prodigieux à travers l'introspection d'un homme qui, ne pouvant communiquer qu'avec un œil valide, va transcender son handicap pour exprimer toute sa bouillonnante intériorité. Empreint d'un lyrisme exacerbé, le scénario basé sur l'œuvre de Bauby ne sombre pourtant jamais dans le pathos et le larmoyant ; on se laisse facilement bercer par l'imagination de Jean-Do, qui réussit à s'affranchir totalement de son immobilité pour accomplir un tour de force artistique. Tout comme Schnabel, nous sommes émerveillés par le personnage de Jean-Dominique sans avoir l'indécence de le prendre en pitié.
L'omniprésence de la voix-off pouvait vite se révéler redondante mais c'était sans compter sur la prestation envoutante de Mathieu Amalric. L'acteur incarne Bauby de manière à la fois sobre et puissante avec une présence et un charisme impressionnants ; aussi bien le Jean-Do cloué dans son lit que celui d'avant, espiègle et enjoué, Amalric restitue de façon remarquable toutes les nuances du personnage. Couronné du prix d'interprétation à Cannes, le comédien réussit là un tour de force colossal. Marie-Josée Croze, qui campe l'orthophoniste qui va accompagner Jean-Do dans le processus de création de son livre, est sensuellement épatante. L'actrice, d'une douceur et d'une délicatesse passionnées est admirable. Son jeu, tout en retenue, exprime bien le courage et l'abnégation de cette femme, Henriette Durand, qui a accompagné Bauby dans son cheminement artistique et lui a permis d'écrire son livre. A signaler également la présence de Max Von Sydow dans le rôle du père de Jean-Dominique Bauby. L'ancien acteur fétiche d'Ingmar Begman est comme toujours, stupéfiant. Un monstre sacré du 7ème art. Viennent s'ajouter comme seconds rôles l'immense Niels Arestrup, la poignante Emmanuelle Seigner, Patrick Chesnais en docteur pompeux ou Jean-Pierre Cassel en homme d'Eglise embarrassé. Un casting redoutable pour une œuvre qui ne laissera personne indifférent.
Le Scaphandre et le papillon, en plus d'être un vibrant hommage au courage et à la détermination face au handicap, est également une somptueuse ode à l'art, à l'inventivité et à l'imagination...car nous avons tous besoin d'évasion.