Sleuth était présenté en Compétition à la 64ème Mostra de Venise.
Sleuth est le remake du Limier, le chef d'oeuvre réalisé en 1972 par Joseph L. Mankiewicz. Jude Law a eu l'idée de repartir sur la trace du Limier au cours d'une discussion avec son ami graphiste Simon Halfon. Il a alors demandé au dramaturge Harold Pinter de réécrire la pièce d'Anthony Shaffer, qui avait décroché en 1971 un Tony Award. "Cela pouvait paraître complètement fou ou très naïf de le lui demander, mais je trouvais que la pièce convenait parfaitement à son style, et puis c'était pour moi une bonne raison de lui écrire...", confie l'acteur.
Dans la version réalisée par Kenneth Branagh, Michael Caine interprète le romancier qui fait face au jeune coiffeur (Jude Law). Il se trouve que le comédien, aujourd'hui âgé de 74 ans, apparaissait déjà au générique du film original, où il incarnait ... le jeune coiffeur ! A l'époque, Caine avait 39 ans et face à lui, c'était Laurence Olivier qui faisait front.
Jude Law reprenant le rôle joué par Michael Caine dans une version originale ? Cela s'est déjà produit... En 2004, dans Irrésistible Alfie, le comédien interprétait le personnage d'Alfie : un rôle de séducteur que Michael Caine tenait déjà en 1966, dans Alfie, le dragueur.
Harold Pinter parle de son travail d'adaptation : "L'approche est complètement neuve. Je n'avais ni vu ni lu la pièce et je n'avais pas non plus vu le film de Mankiewicz, je ne connaissais donc pas du tout les versions précédentes. J'ai simplement lu le texte de la pièce, et je l'ai transformé à ma manière ; j'ai gardé un ou deux éléments de l'intrigue qui étaient nécessaires, mais à part ça, je me suis vraiment approprié cette histoire." Jude Law ajoute de son côté : "Ce nouveau film parle toujours de deux hommes qui se battent pour une femme, mais il se penche surtout sur la nature de leur combat et sur les raisons qui font que les hommes se battent en général. Harold en a fait un commentaire sur l'ego masculin et la hiérarchie entre les hommes, à tel point que l'objet de leur lutte devient secondaire. "
Initiateur du projet, Jude Law en est aussi l'un des producteurs. C'est la deuxième fois que le comédien coiffe cette casquette après l'expérience Capitaine Sky et le monde de demain en 2005.
Illustre dramaturge anglais, connu pour ses troubles huis clos, récompensé par le Prix Nobel de littérature en 2005, Harold Pinter a déjà travaillé à plusieurs reprises pour le cinéma. Citons en particulier sa fructureuse collaboration avec Joseph Losey : il a écrit les scénarios de The Servant, Accident et Le Messager. On lui doit aussi les adaptations du Dernier Nabab et de La Maîtresse du Lieutenant français. Comédien à l'occasion, il a réalisé un seul long métrage pour le cinéma, Butley, en 1974.
Kenneth Branagh admire depuis longtemps le travail d'Harold Pinter. L'acteur-réalisateur a en effet passé sa première audition, à 15 ans, avec un texte du dramaturge. Quant à Michael Caine, il a joué au début des années 60 dans la première pièce écrite par Pinter, The Room. De plus, tous deux fréquentèrent la même école, la Hackney Downs Grammar School.
Harold Pinter donne son point de vue sur le jeu du chat et de la souris auquel se livrent Milo et Andrew : "Dans leur confrontation, ces deux hommes prennent le dessus à tour de rôle. Entre eux, c'est une lutte de pouvoir, une épreuve de force, et la force est toujours quelque chose qui va et vient. Ce qui est important ici, c'est qu'on ne sait jamais vraiment qui domine. Parfois un des personnages domine la situation, mais ce n'est qu'une apparence ; l'instant suivant son adversaire semble la dominer à son tour, et lui la domine réellement. En définitive, ces deux hommes s'affrontent par le biais de jeux qui peuvent être particulièrement sinistres, mais aussi très divertissants. Tout est une question d'équilibre entre ce qui est redoutable et ce qui est drôle. "
Comme le note Jude Law, la maison "apparaît comme le troisième personnage du film". A ce sujet, Kenneth Branagh explique que Harold Pinter a donné plusieurs instructions, l'une d'elles étant qu'Andrew "vivait dans une demeure de style géorgien dont l'intérieur avait été modernisé. Nous avons pensé que c'était le genre d'homme qui se passionne pour les dernières technologies et dont la maison devait être truffée de systèmes high-tech (...) Ce mélange entre l'ancien et le moderne était très intéressant aussi au niveau sonore ; les bruits des caméras de surveillance, des portes et des ascenseurs donnaient à la maison une ambiance très particulière. Cette passion pour la technologie nous a aussi permis de créer une installation dont Andrew est très fier et qui fait varier la lumière à l'intérieur, un peu comme une version miniature de celle qui se trouve au musée Tate Modern à Londres."
Un soin particulier a été apporté à la décoration de la maison d'Andrew Wyke. Des oeuvres d'Anthony Gormley et Gary Hume, célèbres artistes anglais contemporains, ont été prêtées par la White Club Gallery de Jay Jopling, et le designer Ron Arad a prêté des modèles uniques et des prototypes de meubles.
Avant le tournage, Kenneth Branagh a beaucoup parlé avec les deux comédiens de la psychologie de leur personnage. "J'ai fait lire à Michael un article médical sur la jalousie morbide, qu'on appelle aussi syndrome d'Othello. Les personnes atteintes de de cette affection ressentent une jalousie exacerbée, grotesque et irrationnelle qui peut les pousser à commettre des violences envers les personnes dont elles sont jalouses. Michael était d'accord avec moi sur le fait que la jalousie motive chacun des actes d'Andrew et qu'il fallait que cela soit perceptible dans son interprétation."