J'aurais trouvé sans doute quelque intérêt au sujet de Marcel L'Herbier s'il s'était maintenu dans la chronique coloniale à laquelle le début du film semble se disposer. Différentes figures historiques (Lyautey, Clémenceau) et des galonnés respectables donnent, non sans emphase, un aperçu de l'esprit et de l'attitude colonialistes de la France vis-à-vis de son protectorat marocain et, secondairement, du cinéma d'inpiration patriotique (nationaliste?) d'avant-guerre. Le personnage central est joué par Harry Baur; c'est un pauvre bougre débarquant au Maroc aux côtés de compagnons aussi démunis que lui. On le retrouve dix ans plus tard, fortune faite et marié. C'est beau les colonies... Dès lors, le caractère "marocain" du film s'estompe au profit de contigences sentimentales, de discordes conjugales, factices et sans intérêt malgé le charme de Nathalie Paley. Les histoires de coeur romantico-mélo de la trop jeune épouse prennent une place trop importante. C'est Harry Baur, dans une prestation anecdotique, qui en fait les frais, alors que son rôle de bourgeois arrivé méritait plus d'attention. En définitive, ces hommes nouveaux -régénérés par les colonies si on a bien compris le message- sont des figures bien fades.
Un film aujourd'hui oublié réalisé par un cinéaste que l'on rattache surtout au cinéma muet. Passé le début du film qui glorifie la pacification de Lyautey au Maroc, on se prend d'affection pour ce balourd d'Harry Baur, maladroit séducteur, et homme violent emporté par ses colères. Nathalie Paley, une aristocrate russe ayant échappé à la violence des Bolcheviques et reconvertie dans le cinéma, imite Garbo et est effectivement troublante dans sa beauté froide et énigmatique. Le film dénonce ses affairistes qui mettent en coupe réglé le Maroc, véritable far-west français avec ses villes construites ex-nihilo sans habitants. Ces hommes nouveaux ne savent pas aimer contrairement aux militaires qui eux savent aussi se sacrifier. Ce film cocardier voulait, selon L'Herbier, attirer l'attention sur le réveil du nationalisme allemand. Malgré le succès remporté dans les salles, les objectifs ne furent pas atteints.