Erick Zonca était un cinéaste intéressant; "La vie rêvée des anges" ne manquait pas de qualités. M'enfin, pour éclater, il lui a fallu faire le grand saut par delà l'Atlantique..... "Julia" est un film magnifique et magnifiquement filmé. Cette caméra brouillonne, ces gros plans égratignés accompagnent, surlignent la confusion mentale de l'héroïne, sublime Tilda Swinton. Il faut la voir, ses grandes guibolles maigres titubant sur ses talons aiguilles, son visage barbouillé de rimmel quand elle se réveille dans un lit improbable au côté d'un porc de rencontre, ou quand on la ramasse dans le ruisseau.... Comme cette pocharde a besoin d'argent, elle élabore un plan mirifique: soutirer deux millions de dollars à un riche grand-père en enlevant son petit-fils, dont la mère, qui lui a proposé le plan, est encore plus paumée que Julia -complètement cinglée à tendances mystiques.... Evidemment, le plan ne tournera pas comme prévu; la dernière partie du film, qui se passe au Mexique, où la petite tirelire à pattes a été .... enlevée à sa ravisseuse par des plus ravisseurs qu'elle (Julia étant incapable de résister à une bonne drague, surtout quand elle est bourrée, c'est à dire: tout le temps), est un vrai polar, un vrai thriller, -elle se bagarre, Julia, elle prend tous les risques pour récupérer son otage- alors que la première partie insiste plus sur l'analyse psychologique. La rage avec laquelle elle ligote le petit garçon affolé, lui obture la bouche de gros plastique gris, celui qui sert à sceller les colis encombrants, le jette derrière un canapé... on n'a jamais montré ça au cinéma: une femme en capacité d'être mère et un petit garçon à l'âge où ils sont encore attendrissants... shocking! Eh bien, Erick Zonca l'a fait. Tilda Swinton l'a joué. Impressionnant.
Mais, comme il faut une lueur d'espoir, le film se termine sur une lueur d'espoir: si paumée soit-elle, Julia n'est peut-être pas capable d'échanger un million de dollars contre la vie d'un petit garçon.