Une fois encore et de brillante façon, Gus Van Sant utilise la mise en scène comme métaphore de l'univers mental, autant que comme principe narratif. Ce qui se passe est à peine esquissé, on le devine, on le sent, on le voit quand même de temps en temps (mais quand on le voit on le voit vraiment, cf la scène pivot du film, qui rappelle un peu l'univers de Lynch). Ce qu'on sent, à travers cette mise en scène, c'est une sorte de malaise, voir d'écoeurement, qui s'installe petit à petit dans la psychologie de l'adolescent qui a commis un crime à son corps défendant. Le jeu de l'acteur n'a pas besoin d'être expressif, car les plans, la musique, les mouvements de caméra, les angles choisi, les ralentis, le sont bien suffisemment pour exprimer ce malaise. Ceci est particulièrement vrai pour tout ce qui est de la relation avec sa fiancée, qu'on voit s'éteindre non à travers des paroles, des disputes, mais des plans étranges, des silences, et notamment une étrange scène de "dialogue muet". On est, faut il le rappeler, dans un cinéma quasi expérimental, à l'instar du très beau Gerry. Mais le malin Gus Van Sant tempère ce côté expérimental en traitant de thèmes qui touchent beaucoup les jeunes et donc la grande partie des spectateurs. Un peu polar, toujours du suspens, des relations amoureuses, les us et coutumes des adolescents (ici le skateboard). Voila ce qui s'appelle ménager la chèvre et le chou. Ceux qui aiment les sensations d'une mise en scène brillante et peu orthodoxe, et ceux qui tirent les leurs d'histoires où il est question de crime et des moeurs de la jeunesse d'aujourd'hui.