Après Elephant, Gus Van Sant parvient à nous créer encore un OVNI du cinéma. J'avoue que j'ai eu un peu peur de voir ce film après l'expérience Last Days qui ne m'avait pas totalement convaincue. Mais je me suis lancé dedans. Ce film est, à mon goût, un peu en dessous d'Elephant, mais largement au-dessus de Last Days.Pour continuer les comparaisons, je dirais tout simplement que Gus Van Sant est l'équivalent masculin de Sofia Coppola. Premièrement, les sujets traités. Sofia Coppola a (pour le moment) créé des films concentrés sur les sujets féminins. C'est flagrant avec Virgin Suicides qui nous montre le mal-être de quatre jeunes filles pendant 1h30, également avec Lost In Translation, qui concerne un homme et une femme, mais où on sent que l'émotion et le sujet sont plus portés sur le personnage de Scarlett Johansson. De même pour Marie-Antoinette, où tout le film est exclusivement porté par Kirsten Dunst. Quoiqu'il en soit, il est clair que la réalisatrice nous présente souvent des histoires de jeunes femmes très seules, et surtout mal dans leur peau. Et bien, Gus Van Sant fait la même chose de son côté, mais avec le genre masculin. Last Days était surtout concentré sur le personnage de Michael Pitt. De même, Elephant est centré autour du jeune homme blond. Enfin, pour en revenir à Paranoid Park, toute l'intrigue est posée sur l'adolescent, Alex. Et, de même, ce personnage est plutôt seul, confronté à un événement qui le dépasse. Cette solitude est vraiment bien montrée. Il vit ici un grand mal-être, et même si ce n'est pas montré clairement à l'écran, on ressent parfaitement toute la culpabilité de ce personnage. Gabriel Nevins est vraiment parfait pour ce rôle, où il reste pratiquement toujours de marbre, comme si son personnage était indifférent du crime qu'il a commis. Cependant, derrière cette facade, on imagine parfaitement l'horreur que ça doit être, et ce film devient assez psychologique, traitant finalement du passage de l'adolescence vers la vie adulte, un peu comme un Mean Creek mais en moins émouvant (ce qui n'est pas forcément un défaut). Deuxièmement, il y a bien sûr la façon dont le sujet est traité. Que ce soit pour les films de Sofia Coppola comme ceux de Gus Van Sant, un autre point commun apparaît : il ne se passe pratiquement jamais rien. Et franchement, réussir à créer des films aussi passionnants en racontant aussi peu de choses montre un énorme talent. Dans ce film, il ne se passe quasiment rien. Il dure seulement 1h20, la moitié des scènes sont au ralenti et plusieurs d'entre elles sont répétées au cours du film. De plus, il y a de nombreux plans-séquences particulièrement longs où il ne se passe pas grand chose, si ce n'est le personnage principal qui marche, qui fait du skateboard, qui écrit ou qui réfléchit. J'aime partculièrement ces films parce qu'on en ressort assez bluffés. Impressionnés de se dire que même si ça n'a pas bougé des masses, même si le film ne montre que des scènes à l'apparence ennuyeuse, on a pourtant aimé. C'est un sentiment que j'ai eu pour Elephant et Paranoid Park. Malheureusement, ça ne marche pas toujours, puisque j'ai personnellement trouvé Last Days trop lent, vraiment trop long et ennuyeux. Cependant, ce qui nous permet de tenir jusqu'au bout, il faut l'avouer, c'est la beauté des plans. De magnifiques scènes, très lentes et surtout superbement tournées. Je crois franchement que chaque scène de Paranoid Park est parfaitement bien travaillée. J'ai beau essayer de chercher, il ne me vient à l'esprit que très peu de passages qui n'aient pas été impeccablement soignés. Les plans sont d'une beauté affolante, par leur lenteur, et les prises de vue sont sublimes. La caméra est vraiment exploitée à fond, les effets sont réussis. C'est d'ailleurs ce qui fait également le charme d'un autre de ses films, Gerry. Dernier point commun avec Sofia Coppola (et pas des moindres, puisque c'est ce qui fait tout l'intérêt de leurs films !), c'est la photographie sublime. Car, même si les mouvements de caméra sont parfaits, encore faut-il qu'ils montrent quelque chose. Et encore une fois, c'est réussi. Les jeux de lumière sont maitrisés, les ralentis utilisés à bon escient. Certains plans sont incroyables, et je vais bien sûr citer ce plan sous la douche, lorsque Alex revient du chemin de fer et qu'il réfléchit à son acte. Le plan est de toute beauté, les gouttes coulant au ralenti sur ses cheveux comme des perles, mises en valeur par un bel effet de lumière. Ce n'est pas sans rappeler Virgin Suicides, lorsqu'on voit le personnage de Kirsten Dunst souriant au ralenti, les cheveux filtrant la lumière du soleil. La seule chose que je pourrais reprocher à Paranoid Park, c'est de ne pas aboutir suffisamment. Le film ne délivre aucun message comme l'avait fait Elephant. Finalement, il se termine exactement comme il a commencé, si ce n'est que le personnage principal va devoir vivre toute sa vie avec un drame sur la conscience, toujours seul. Dommage, mais pas catastrophique.