L'espion qui m'aimait marque le retour aux affaires de deux vétérans de la série, Lewis Gilbert, réalisateur d'On ne vit que deux fois, derrière la caméra, mais surtout de Ken Adam, le célèbre chef décorateur dont on reconnaît dès les premiers instants la patte miraculeuse. Mais l'espion qui m'aimait marque aussi le départ de l'un des deux célèbres producteurs, cerveaux de la franchise, Harry Saltzman,laissant derrière lui le succès de 007 suite à de multiples pépins légaux. Le tournage du film aura tardé à débuter, mais finalement, chacun ayant à coeur de ne pas tacler la mythologie Bond, le film sera un succès. Oui, non pas qu'il soit l'opus le mieux écrit des 23, il en reste cependant l'un des plus divertissants. Humour, grandeur des décors, grosses prétentions scénaristiques, de l'action, encore de l'action, mais surtout la présence du dénommé requin font de l'espion qui m'aimait un must du genre dans l'esprit des fans.
Roger Moore endosse pour la troisième fois le costume de 007, toujours sur un ton ironique, comique ou très raffiné, accompagné ici par l'un, ou l'une, de ses égaux de l'est, l'agent triple X, la belle Anya Amasova. Voué à collaborer afin de mettre un terme aux agissements d'un dangereux psychopathe mégalomane, Bond et sa compagne, jamais James Bond Girls n'aura pris autant de place, affronteront tous les dangers fantasques et souvent amusants dressés sur le chemin, du Caire à la Sardaigne en passant par la haute mer. Toutefois, comme mentionné, ce n'est pas ici les décors naturels qui marquent le film, à l'inverse de l'homme au pistolet d'or, mais les décors intérieurs de Ken Adam, démesurés, spectaculaires et hautement imaginatifs.
L'apothéose sera finalement l'intérieur d'un super tanker avaleur de sous-marins atomiques, décor fastueux donnant lieu à une confrontation d'envergue entre le bien et le mal. Il y a aussi le fameux Atlantis, siège du vilain méchant du moment, formidable inspiration de là encore, Ken Adam. Le film développe également plus que jamais les gadgets de l'atelier de Q, la Lotus en première ligne et sa formidable plongée sous-marine. Oui, à bien y réfléchir, l'espion qui m'aimait pourrait parfois paraître ridicule du fait d'un n'importe quoi assumé. Mais finalement, avec la distance, tout ça sonne comme du culte grand cru, de l'amusement, du divertissement formidable qui nous aura fait nous émerveiller à son époque.
Parfois, la légitimité de telle ou telle scène ne tient qu'à un cheveux, mais cela ne rend que plus culte cet opus qui est clairement l'un des meilleurs, si ce n'est le meilleur, opus sous la coupe de Roger Moore. Inventif, drôle, fantasque à l'excès, sans doute l'un des James Bond les plus mémorables même si qualitativement, il est en dessous d'un bon nombre d'autres. Oui, beaucoup n'auront sans doute pas aimé, mais l'espion qui m'aimait aura contribué plus que nécessaire à la construction du mythe 007 alors que déjà, Sean Connery fût rendu à la postérité. Roger Moore, que l'on aime ou pas, semble avoir trouvé ses marques et son public, indéniablement. Du bel ouvrage britannique des années 70. 16/20