Ce film a, je trouve, une structure narrative assez magnifique : plusieurs histoires s'imbriquent dans la narration avec une subtilité époustouflante : l'histoire d'une fille paumée qui ne sait pas où elle va et va nulle part avec n'importe qui, l'histoire d'une autre, orpheline, qui ne trouve pas sa place dans le monde pauvrement formalisé et hiérarchisé qu'on s'acharne à lui offrir, l'histoire d'une circulation de regards paranoïaques et méfiants (ces images de caméras de surveillance s'insèrent avec une justesse infinie dans le récit), bref, malades (d'où ce personnage au surréalisme sublime de la femme qui croit reconnaître sa fille
décédée
). Et la structure du film confirme cette interprétation : on commence dans la voiture du père de la fille
décédée
. Toute cette histoire de souffrance psychologique est donc bien, à l'image du sinueux Yella, un labyrinthe mental sans d'autre issue que la souffrance. D'autant plus que, ici, il s'agit avant tout, comme je le disais, de regards, donc de croyance, de crédulité, de confiance, de parole. Un film où le vrai et le faux ne peuvent fatalement trouver aucune preuve dans le réel : le monde n'a d'autre réalité que nos constructions mentales mensongères et intéressées. L'histoire d'amour entre les 2 filles est, je trouve, superbement filmée, me rappelant même, sur la fin, le brillantissime fatalisme du Totally Fucked Up de Gregg Araki.