Parfois vous regardez un film par hasard et vous tombez sur un petit chef d'œuvre. Qu'il date de 1958 et est été tourné en Suisse, dans les Grisons, ajoute à son intérêt sociologique et historique. Il est toujours intéressant d'avoir le prétexte d'un bon film pour plonger dans le passé, ses mœurs, son vocabulaire, ses décors, ses valeurs. Etonnant dés le premier plan de trouver Michel Simon interprétant le rôle d'un de ces colporteurs à pied, qui sillonnaient les montagnes jadis, vendant des bricoles aux villageois.
Quand le vieil homme bute sur un corps en marchant, et va avertir la police du meurtre d'une fillette de huit ans, il ne sait pas qu'il va devenir le principal suspect. Un vagabond a toujours été le coupable idéal trouvé, que ce soit pour les gendarmes ou les villageois. Le pauvre homme se suicidera rapidement en garde à vue. Un inspecteur de police sur le départ, ignorant les injections de silence de ses supérieurs, voulant clore ainsi l'affaire, va reprendre l''enquête à son compte, et en faire une obsession.
L'assassin a tué plusieurs fois, et peut de nouveau sévir. Ce thème de la pugnacité du flic, lâché par ses supérieurs et ne voulant pas laissé filer sa proie malgré le temps, l'insuccès de ses patientes enquêtes, est un thème maintes fois répété au cinéma. On le trouve traité dans le film argentin admirable qu'est "Dans ses yeux". de Juan José Campanella. Comme dans ce film le pathos, et l'identification aux victimes, le combat contre le mal absolu, ici la mort d'enfants, est une des composante essentielle du film qui fait que le spectateur adhère particulièrement à l'histoire.
La résolution de l'énigme, qui passe par une longue traque est traitée de façon très originale. Pas de poursuite, mais une chasse au leurre, idée venant du spectacle d'enfants péchant dans un lac. Il s'agit, lui dit un petit pécheur, de mettre l'hameçon adapté au poisson pour pouvoir ferrer sa prise. C'est ainsi que l'idée lui vient de louer une station service sur le bord de la nationale qui même à Zurich; Un axe qu'il a identifié comme celui d'un homme au volant d'une grosse voiture, et immatriculée dans les Grisons.
Ces indices précieuses sont dues aux éléments que lui ont livré un dessin fait par la petite victime, accroché dans sa classe. C'est dire que la psychopathologie et le traçage, sont omniprésents dans ce film novateur. Le scénario il faut le dire est de Dürrenmatt, un grand écrivain Suisse de l'après guerre,, malheureusement un peu oublié, et qui écrivit de vrais chefs d'œuvre, pleins d'intelligence et d'ironie, comme le roman " Grec cherche Grecque" que je recommande à tous.
Ce film est un conte moral, sur l'éducation des foules: Le mal existe. Et les monstres sont là pour le servir, comme dans les contes de Grimm.
Les hommes mauvais ressemblent néanmoins aux autres, et peuvent être très séducteurs. Ils sont dévorés par des pulsions qui les transforment en loups garous...Reste que le pécheur s'est tout de même servi d'un leurre infantile, au risque de mettre celle ci en péril. Des parts d'ombre restent cachés dans les hommes semblant les plus vertueux. On leur pardonnera si le résultat est en concordance avec leurs espoirs. Si non, on dira de ces joueurs d'échecs que ce sont eux aussi des monstres.
Remake; Le film The Pledge, réalisé en 2001 par Sean Penn avec Jack Nicholson, est adapté du même scénario dont Friedrich Dürrenmatt, qui était co-scénariste, avait tiré un roman policier, La Promesse, paru en 1958 après la sortie du film..
A voir, sans aucun doute.