Film suggestif, plaisant ou déplaisant suivant qu'on l'intellectualise, ou non. Une des grandes qualités du film est d'être grand ouvert. De cet espace se dégage une ambiance confortable, voire surprenante. Ce film ne semble pas résulter d'un si gros travail tant il y règne presque une certaine spontanéité ou fraîcheur. J'ai eu le sentiment d'une trame, bien sûr, mais pas vraiment figée ou astreinte à une rigueur féroce. La notion de temps réel qui s'égrène nonchalamment pouvant parfois soutenir ou disperser le récit. Quelques longueurs donc, car parfois on anticipe légèrement, ce qui n'est pas si dur. La fin a été une surprise totale, tant elle renvoi à une nouvelle interprétation de la totalité du récit passé. Un poil dérangeant que de devoir entièrement réinterprété la totalité de ce qui s'est passé, qu'on pensait avoir correctement perçu. Ça été pour moi un film Trappe, presque un jeu entre ce qui est montré longuement, lentement, et se termine sur un château de carte qui s'effondre. Une fragilité nouvelle (une notion cachée, muette justement) qu'on s'était bien gardé de dévoiler auparavant. Chacun est libre d'apprécier ou non cette farce finale, mais j'avoue que sans l'aide du scénario, nettement plus précis que la narration évasive (rien de le dire), je n'aurai pas su apprécier le contenu exact du film. C'est un genre de film hublot, où l'on contemple à loisir le contenu d'un bocal, bocal ou évoluent 3 poissons rouges, qui font presque tout, à tour de rôle. Ça nous laisse contempler la vie des autres, trois personnes exactement. Leur expression étant si réduite qu'elle nous fait avancer au même rang, à la même vitesse que les acteurs, aussi auteur que l'auteur. A l'instar de la grande époque du muet, mais plus difficile encore, puisque sans l'aide des inter-titres pour nous guider et les mimes expressifs installés pour ce type de narration spécial. Seul le final permet de voir si on n'a bien fonctionné dans le décryptage du film, soit en commun accord avec l'idée qu'on souhaitait nous laisser. Donc presque un jeu entre le réalisateur qui lance des propos imagés, et le spectateur qui doit deviner, tenter de se synchroniser, PUIS le verdict de fin (scène finale) qui permet de dévoiler votre pertinence et qualité de suivi. Pour ma part, je n'avais pas senti venir la fin, donc score presque Zéro pour moi, il fallait être plus attentif. Le film est donc meilleur (élève) que moi-même. Un exercice original. Chacun peut tenter sa chance, faire une meilleure prestation de spectateur, presque "auteur" (..), tant le support du film est ouvert, ample, probablement imprécis par choix, le récit pouvant s'inscrire librement dans la tête même du spectateur avec le support quasi unique des images, en soutien. L'idée vient alors que "la parole" devient un guide ou un carcan. Retirer ces paroles équivaut à rendre une âme complète, une expression à un film, lui permettre de laisser ouvrir une fenêtre sur le monde. Jolie démonstration de l'art cinématographique, démonstration qui remet les pendules à l'heure dans cette forme d'expression qu'on pensait convenue et entendue par avance, calibrée le plus souvent. Une demie étoile en moins, car moi-pas-gagné. Eh oui, tout le monde n'est pas bon au jeu.