Avant d’être un réalisateur à ses temps perdus, Brian Helgeland était (et est toujours) un scénariste hollywoodien d’assez bonne renommée. Si le bonhomme avait commencé sa carrière avec l’écriture du Cauchemar de Freddy, il s’est très vite fait une bonne réputation avec de grands films tels que L.A. Confidential, Mystic River, le Man on Fire de Tony Scott et Green Zone. Et comme sa dernière réalisation, Legend avec Tom Hardy, vient de sortir dans nos salles le mois dernier, voici l’occasion de revenir sur son tout premier long-métrage. Un projet qui témoignait déjà du manque de confiance des grosses productions envers ces « nouveaux réalisateurs », à tel point que 30% de Payback furent refilmés après le départ du cinéaste. Et pourtant, on était encore bien loin d’avoir un naufrage artistique au niveau d’un Jupiter Ascending ou encore du reboot des 4 Fantastiques.
Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, il faut déjà vous mettre en garde. De la part de Payback, ne vous attendez pas un grand-chose. En effet, le scénario est d’un classicisme qui pourra en faire râler nombre d’entre vous. Malgré son statut de seconde adaptation d’un roman de Donald E. Westlake (Comme une fleur), Payback conte l’histoire
d’un petit truand qui, porté pour mort par ses complices l’ayant trahi après un braquage, décide de revenir sur le devant de la scène pour récupérer son dû, quitte à se frotter sans vergogne à la mafia du coin. Tout en protégeant, bien entendu, une jolie blonde qui se retrouve embarquée malgré elle dans cette histoire de vengeance et de règlements de compte
. Le genre de script qui irait à n’importe quelle série B ! Et pourtant, même avec cet aspect bas de gamme sur le papier, Payback arrive à séduire sur bien des points.
La première chose étant son côté décomplexé pleinement assumé. Par là, il faut comprendre que le film déploie sans aucune retenue humour noir, situations rocambolesques et personnages totalement allumés (
un ancien complice hystérique, un comptable maniéré et s’inquiétant plus pour ses chemises qu’autre chose, une prostituée adepte du sadomasochisme et de la tuerie…
). Et si cela peut paraître bizarre lors des premières minutes (j’expliquerai pourquoi quand j’aborderai la mise en scène), on se laisse prendre au jeu assez rapidement pour finalement passer un très agréable moment, l’amusement et l’efficacité répondant à l’appel. Il faut dire aussi que le casting est tout simplement très bon (Mel Gibson dans une version plus sombre de Martin Riggs, Gregg Henry et Lucy Liu déjantés, James Coburn délectable…) et qu’une classe folle se dégage de Payback.
Cette dernière, nous la devons principalement à la mise en scène de Brian Helgeland. Si elle se révèle plutôt classique aussi bien dans sa manière de filmer que de monter les scènes, le réalisateur a su offrir à Payback un charme visuel qui pourrait presque s’apparenter à un Sin City réaliste. Avec ses images teintées de gris, le long-métrage a des allures de polar noir sorti tout droit des années 50-60 (impression rehaussée par une bande originale semblable à L’Arme Fatale) au pouvoir attractif certain. Ce choix de photographie rend également le projet assez sombre et violent. Pour dire, malgré ce que disaient les affiches françaises, Payback est sorti dans nos salles avec une interdiction au moins de 16 ans, ce n’est pas rien, même à l’époque ! Et c’est pour cela que les producteurs de la Warner ont décidé à la dernière minute de refaire certaines scènes, par peur de perdre du public à cause de la censure. Du coup, on se retrouve avec un film visuellement très violent mais affichant un humour omniprésent qui a pour but « d’éclaircir » le long-métrage. Un équilibre assez étrange quand on sait que le film a tout du thriller et rien de la comédie. Si Brian Helgeland partait déjà sur un projet décomplexé, la version qui nous est ici livrée est sans doute beaucoup plus légère que prévu. Mais honnêtement, vu la teneur de Payback, cela ne gêne en rien le visionnage et le plaisir que l’on éprouve pendant ce dernier.
Malgré cela, Payback reste un divertissement pur et dur de très bonne facture. Remplissant aisément son cahier des charges, le long-métrage de Brian Helgeland amuse et tient en haleine jusqu’à son générique de fin. Et s’il ne sort pas des sentiers battus au niveau de l’écriture (par peur de prendre des risques pour son premier long-métrage ?), il révèle le savoir-faire d’un scénariste s’étant prêté au jeu de la réalisation avec un certain potentiel. Alors que beaucoup de ses semblables se livrent au même exercice pour finalement offrir des films sans âme, Helgeland est parvenu à donner une identité à son Payback. Dommage qu’il n’est pas réitéré avec ses autres projets (Chevalier, Le Purificateur, 42 et Legend), quand on voit les critiques les ayant accompagnés lors de leur sortie respective…