Rassemblés pour la première fois depuis longtemps à l'occasion de la mort d'un des leurs, un groupe d'amis retrouve la complicité qui les liait alors. Ils ont changé, mais pas entièrement.
The Big Chill permet à ses personnages de faire le tri après plusieurs années à se laisser dériver : ce qu'ils étaient, ce qu'ils ne sont plus, ce qu'ils sont devenus et ce qu'ils veulent les uns des autres devient clair, plus réfléchi, et paradoxalement plus innocent aussi. C'est en effet dans leur maturité d'adultes qu'ils renouent et se réconcilient avec leurs facettes les plus enfantines, lesquelles trouvent une place tardive dans la conception du monde de personnes réalisant qu'elles ne sont plus adolescentes. Ce coming of age né de l'amitié serait resté une jolie contradiction s'il ne s'accompagnait pas aussi d'une étonnante spontanéité.
En fait, le film est si naturel qu'il pose quasiment la question de pourquoi de grands acteurs étaient nécessaires pour des scènes de vie courante, et c'est bien là toute l'astuce. Longuement répétée (trois semaines) mais en même temps largement ouverte à l'improvisation (les acteurs sont restés plusieurs heures de suite sans sortir de leurs personnages), l'œuvre de Kasdan s'assure qu'elle exploite l'entièreté du potentiel créatif de ses artistes, mais pour un résultat résolument réel et non simulé.
Cette recette rare, ironiquement favorisée par des studios pressés qui rechignaient à laisser le tournage s'éterniser, rend le film on ne peut plus vivant bien qu'il ait pour prétexte la mort. Il nous préserve aussi des clichés et permet un attachement profond à ses personnages. J'ai même envie de parler d'attachement authentique, ce qui est ironique puisque eux sont, par définition, fictifs.
Malmenant la limite même entre l'imaginaire et le vrai, The Big Chill ne paye pas de mine mais fait quelque chose qui dépasse l'improvisation, comme une hybridation du théâtre, du cinéma et de la vie réelle, une intersection où les contraires prennent vie : la vie dans la mort, le spontané dans le simulé, le créatif dans le réel, et l'innocence dans la maturité. Ce dont il parle n'a plus tellement d'importance dès lors qu'il accomplit cela, pourtant il questionne aussi sur la condition adulte, et la relation qu'on entretient avec le soi passé. D'un côté, ce n'est pas grand chose, mais c'est un pas grand chose qui prend de la place.