"L’empreinte de Frankentein" avait été un opus en demi-teinte. Pour son quatrième épisode (qui marque le retour de Terence Fisher sur le siège de metteur en scène), la saga "Frankenstein" de la Hammer fait dans l’originalité à plusieurs niveaux. Tout d’abord, et c’est sans doute l’innovation la plus audacieuse, le film fait l’économie d’un véritable "monstre" effrayant au profit d’une femme, embellie post-mortem par les bons soins du Baron, qui compense son absence de tare physique par une schizophrénie criminelle. Il est vrai que le souvenir de la Créature assez ridicule de l’opus précédent a pu inciter les scénaristes à innover... On se trouve, dès lors, moins devant un film de monstre classique qu’un thriller horrifique (on pense à "Psychose", notamment, en moins bien évidemment)… et il faut reconnaître que l’idée n’est pas mauvaise, ne serait-ce que parce qu’elle a le mérite de renouveler la saga. Ce n’est pas la seule innovation du film puisqu’il présente le Baron Frankenstein sous un jour nouveau, en dévoilant, de lui une facette toujours aussi obsessionnel et inconséquente mais, aussi, moins inhumaine. Une fois encore, Peter Cushing parvient à faire des étincelles grâce à son interprétation tout en subtilité et en charisme. Il est entouré d’une pléiade d’acteurs mais étonnement réussis, que ce soit son assistant alcoolique (Thorley Walters, formidable d’empathie), la fille moquée transformée en Créature vengeresse (Susan Denberg), le pauvre Hans au destin funeste (Robert Morris), le détestable fils de bourgeois Anton (Peter Blythe) ou encore l’intransigeant chef de la police (Peter Madden et sa gueule incroyable). On appréciera, par ailleurs, un certain renouveau sur le plan de la violence qui est montrée, ici, de manière bien plus explicite (voir, notamment, le plan sur la tête décapitée de Hans) et une volonté d’enfoncer le clou de la critique sociale et, plus généralement, de la dénonciation des injustices de toutes sortes.
Entre le criminel exécuté sous les yeux de son fils, le poids de "l’héritage" paternel porté par ce dernier aux yeux de la société, le simulacre de procès, les passe-droits de fils de bourgeois ou, encore, les morts déchirantes des victimes de la haute société
, on n’a rarement vu la Hammer aussi déchainée… et aussi inspirée pour nous arracher des sentiments de haine vis-à-vis des "méchants" de l’histoire ! Il parvient même à rendre particulièrement attachants un certain nombre des personnages, dont le couple victime dont la mort ne peut pas laisser totalement indifférents, contrairement à bon nombre de victimes des autres films de la série.
La mise à mort de tout ce beau monde engendre, ainsi, un certain plaisir coupable
... On pardonnera, dès lors, aisément le caractère hautement invraisemblable de la "découverte" de Frankenstein pour vaincre la mort (qui vaut son pesant de cacahuètes) ainsi que le fait que les scénaristes aient, une nouvelle fois, fait table rase des épisodes précédents pour greffer un nouveau passé au Baron (ce qui sera, d’ailleurs, la règle pour chaque épisode jusqu’à la fin de la saga). Mais, pour peu qu’on ait fait le deuil d’une saga cohérente et scientifiquement crédible (ce qui, en toute honnêteté, n’est pas son but premier), on peut facilement considérer ce quatrième opus comme un des plus réussis de la série, après les deux premiers bien évidemment.