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Eowyn Cwper
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2,5
Publiée le 22 mars 2020
Au tout début de sa carrière, quand Douglas Sirk s’appelait encore Detlef Sierck, il y a eu La Fille des Marais. Il avait déjà quasiment la quarantaine mais l’avant-guerre fut pour lui une période d’apprentissage d’où son film jaillit bizarrement comme une œuvre… précoce.
Mélange d’avant-garde entre le documentaire & la candeur romanesque d’une histoire pleine de sentiments, le film est expressionniste & naïf, ce qui ne va pas bien ensemble quand il s’agit de montrer la vie rurale du temps où les Volkswagen (les ”voitures du peuple” en allemand dans le texte) étaient hippomobiles. C’est cette même ruralité toutefois qui sert de prisme aux superstitions & à la tradition qui rendent le scénario épais & goûtu.
Voir La Fille des Marais, c’est un peu croquer à pleines dents dans une œuvre indigeste de surjeu, de surreprésentation de la campagne & de rebondissements à la fois trop énormes & faciles à la fois, mais très nourrissante parce que, en 80 minutes, tout y passe, de la famille au tribunal & de l’amour à ses circonstances, au point de faire de Sirk un précurseur… pour parler de l’ancien temps.
"La fille des marais" est le deuxième film de Detlef Sierck (futur Douglas Sirk). Ce mélodrame paysan est à l'image du cinéma allemand qui continuera à produire ce genre d'idylle romantique et particulièrement après-guerre jusqu'au dégout dans les années 70. Mais pour l'heure (1935), l'Allemagne vient de passer sous le contrôle des nazis et n'a pas encore pris le controle idéologique des productions du studio qui continue à chercher des succès commerciaux. Ce mélodrame est une adaptation d'un célèbre roman de Selma Lagerlöff (auteur du célèbre Nils Holgerssons) et fut à l'époque commercialisé comme un film de prestige de la UFA. Malgré sa jeune expérience, Sirk montre un incroyable talent dans sa mise en scène qui ne ressemble pas à celle d'un débutant et maitrise parfaitement les symbolismes subtiles dans son film. La musique reste sobre et le film n'a pas encore les lourdeurs du genre qui lui seront caractéristiques. Et même si les usages ont bien changés depuis ce temps, le film reste distrayant et on ne s'ennuie jamais.
En 1935, après avoir réalisé "april, april", Sirk parfait son apprentissage technique avec ses deux films suivants de la même année.
" la fille des marais" transpose Selma Lagerlof en Allemagne du nord. Tres populaire, la romancière suédoise avait déjà fourni au cinéma la matière à de nombreuses adaptations ( " la charette fantôme de Sjostrom qui filma aussi " la fille des marais")
Des trois réalisations de 1935, c'est l'opus de Sirk qui me plaît le plus. Le film dont beaucoup de scènes sont filmées en extérieur dans un univers campagnard et bucolique produit une sensation de fraîcheur et possède un côté aéré très réussi.
De nouveau Sirk aborde le thème de la rigidité entre les classes sociales. Il secoue avec talent les conventions ( la promise qui ne manque pas l'office religieux est sous son apparence sympathique, une dominatrice bassement jalouse finalement peu sûre d'elle-même).
Tandis que la fille de la ferme des marais qui a fauté ( on ignore dans quelles circonstances) avec son ancien patron et est montrée du doigt par la communauté est une personnalité de valeur.
Le film est réédité et projeté en salles avec six autres films du réalisateur qui permettent de revisiter sa période allemande avant qu'il ne réalise ses chefs-d'œuvre americains des années 50 chez universal.
Un jeune et modeste fermier, amoureux d'une femme issue d'une plus grande ferme que lui, se rend à la foire aux bonnes pour en embaucher une. Il tombe en affection pour une jolie bonne, enceinte de son ancien patron et qui se défend lors d'un procès pour faire reconnaître le futur bébé.
***
Joli film pour le débutant Douglas Sirk, qu'il signe alors sous son vrai nom Hans Detlef Sierck, et dans lequel pointe déjà les thèmes de ses plus grands mélodrames : turpitudes d'un amoureux qui a demandé la main d'une femme trop tôt, partagé entre une riche héritière et une innocente fermière. Une histoire pas franchement originale, simplette, mais que Sirk s'efforce à sublimer par la mise en scène. Son travail formel est déjà excellent, quoique un peu en retard en comparaison de ceux de Lang ou Murnau, bien plus novateurs à leurs débuts. Néanmoins, ne soyons pas trop sévères en comparaison : en 1935, Sirk n'en n'est qu'à son deuxième film avec La fille des Marais. On se contentera alors de la mise en scène tout ce qu'il y a de rigoureuse, parsemée de quelques coups d'éclats et de recherches techniques (transition amenée par un caillou jeté dans l'eau), ainsi que d'un rythme soutenu, de personnages bien travaillés (le père mutique et la fille des marais si naïve) et d'un dénouement fort émouvant. Ce qui fait en fait pas mal de bons points !
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3,5
Publiée le 20 juin 2023
"La fille des marais" (1935) devrait fait dècouvrir hors Etats-Unis l'auteur de "Paramatta, bagne de femmes" et "La Habanera" à un public initiè! D'après la nouvelle de Selma Lagerlöf, le scènario du film, lui, dèvie largement de l'original tout en restant fidèle dans ses diffèrences! Ce qui n'empêche pas le film de Douglas Sirk d'être l'un de ses plus rèussis dans sa pèriode allemande! Une oeuvre belle et touchante où tout y est mèlodramatique à souhait, mais rien n'y est larmoyant et facile! Hansi Knoteck fait une prestation èmouvante en hèroïne qui a tout donnè! De la solitude ou plutôt du sentiment d'abandon et donc d'injustice pour cette jeune « fille des marais » qui a peur de ses propres parents, se cachant et se dèfilant comme si elle n'appartenait à personne! C'est extrêmement bien racontèe et jouè, comme dans un film de Borzage! En rèsulte une jolie dècouverte du Cinèma de minuit (Cycle « Raretès, curiositès »)...
Pour un 1er long métrage (produit par U.F.A. = Universum Film AG), Detlef SIERK montre son talent à raconter une histoire mais qui est trop datée car on y sent l’influence du luthéranisme de Selma Lagerlöf (prix Nobel de littérature en 1909) sur un sujet conventionnel, la situation de fille-mère dans une société patriarcale et bigote (début XXe s) et que d’autres cinéastes ont déjà traité, tel Marcel Pagnol [« Angèle » (1934), « La fille du puisatier » (1940)] mais en moins austère, Provence oblige. Le sujet est peut être ailleurs, non pas celui de la mise à l’écart d’Helga qui a eu un enfant de son patron mais du portrait de 2 êtres libres, purs et fuyant le mensonge, même à leurs dépens : Helga,spoiler: qui préfère renoncer au procès contre le père illégitime de son fils (en lui retirant la Bible sur laquelle il va jurer, ou plutôt, se parjurer) et Karsten, frappé par ce dévouement, qui l’embauche comme servante, malgré l’opposition de sa future femme, Gertrud, fille du préfet local et fermier plus important que lui. Le film a aussi une valeur documentaire en montrant une campagne allemande constituée de marais où on extrait la tourbe.
Quand à peine dix minutes après le début, on a les yeux pleins de larmes devant la beauté des choses aussi bien visuelles que spirituelles, on ne peut attendre la suite qu'avec délectation. C'est le cas, tout est beau et qui n'aime pas ce film n'aime pas le cinéma tel qu'il mérite d'être aimé. Il n'existe que très peu de films dont je pourrais affirmer la même chose car pour les réussir il faut des conditions exceptionnelles qu'il est de plus en plus difficile de rencontrer. Avec Dreyer, Sirk est le plus grand réalisateur danois et curieusement ce chef d'oeuvre est pourtant peu connu . Bien sur, le scénario d'une grande rigueur, quoi de mieux qu'un prix Nobel de littérature, participe beaucoup à cette réussite mais la maîtrise technique de Sirk est déjà à son apogée et comme la pureté des photographies est du même niveau tant en extérieurs qu'en intérieurs avec des plans d'anthologie, aucune critique n'a de prises. Helga Christmann est une héroïne exemplaire, une femme modèle que Sirk a immortalisée en dirigeant de main de maître une actrice qui a pu porter toute sa vie durant ce rôle merveilleux. Beaucoup de femmes auraient aimé être à sa place.
Un chef d'oeuvre absolu, l'adaptation d'une nouvelle de Selma Lagerlöf transposée en Allemagne du Nord. Des paysages vrais, des intérieurs vrais, de grands moments (le procès, le mariage), des moments intimes vrais, une humanité complexe, ce film donne une idée bien plus juste d'une certaine société paysanne que le très stéréotypé "Ruban blanc" couronné en 2009 à Cannes. "La Fille des marais" ne cache rien de l'injustice, des conventions et de la lourde hiérarchie qui pèsent sur cette société, sans oublier la dureté générale de la vie. Comme souvent dans les films de Sierck / Sirk, une rédemption et le triomphe des sentiments contre les conventions. Il y a de l'Ozu dans ce Sirk-là, c'est à ce niveau qu'il faut placer ce film trop peu connu, peut-être le meilleur des films de l'auteur du remarquable remake d'"Imitation of Life".