Quand une franchise cinématographique multiplie ses épisodes, on peut-être sûr qu’à un moment, l’un de ses épisodes s’apparentera au mouton noir. Ce sera l’épisode qui, au mieux divisera les fans, au pire leur filera de l’urticaire. Un épisode qui, généralement est passé sous silence quand on fait l’éloge de la saga dans lequel il s’inscrit. Et si par rapport aux critiques, les films Harry Potter ont toujours été bien reçu, plusieurs fans d’Harry Potter ont poussé une gueulante durant l’ère Yates. Cela s’expliquait au regard d’ ‘’Harry Potter et l’Ordre du Phénix’’ et se justifiait au regard d’ ‘’Harry Potter et le prince de sang-mêlé’’. Sorti en juillet 2006, ce film est donc réalisé par le réalisateur désormais officiel de la sage : David Yates. Choix, qui, hélas n’est pas illogique : les producteurs, les yeux rivés sur les recettes ne pouvaient que renouveler le ‘’mandat’’ (où permis de tuer, si on pense que Yates a massacré la saga) de David Yates. Après un cinquième opus qui rapporta plus de 900 millions de dollars, ce choix d’un point de vue marketing s’avérera payant. Pour un budget pharaonique de 250 millions de dollars (le plus élevé de tous les films Harry Potter), ‘’Harry Potter et le prince de sang-mêlé’’ en rapporta à son tour plus de 900 millions de dollars. En revanche, d’un point de vue cinématographique, ‘’Harry Potter et le prince de sang-mêlé’’ est un terrible naufrage. Essayons d’expliquer la sale réputation que se coltine à juste titre le film.
Le monde vit des heures sombres. Voldemort et ses mangemorts exercent la terreur sur l’Angleterre. Dans cette lourde atmosphère, Harry rentre dans sa sixième année de sorcellerie à Poudlard. Tandis que les troubles se multiplient dans la population sorcière et moldu, Harry et Dumbledore se plongent dans le passé de Voldemort dans l’espoir de trouver un éventuel point faible au pouvoir du plus grand mage noir de tous les temps.
‘’Harry Potter et le prince de sang-mêlé’’ : l’archétype du film qui fait tous les mauvais choix , à tous les niveaux. Par où commencer ? Peut-être en désignant le coupable n°1 : David Yates. L’échec artistique du cinquième volet étant principalement dû à l’adaptation, Yates n’était pas encore entièrement fautif. Ce n’est pas le cas ici : ‘’Harry Potter et le prince de sang-mêlé’’ est tout simplement une purge visuelle, atteignant un rare degré laideur esthétique. Bon, pour sauver les meubles, on peut attribuer à Yates le mérite d’être plus ambitieux dans ses mouvements de caméra qu’il ne l’était avec ‘’Harry Potter et l’Ordre du Phénix’’ (on peut penser à ce plan où la caméra s’échappe du Poudlard Express pour rejoindre le wagon où se trouve Harry, Ron et Hermione). Non, le problème, ce n’est pas les mouvements de caméra. La tannée du film, c’est une nouvelle fois la colorimétrie du film. Le chef-opérateur est cette fois-ci le français Bruno Delbonnel, célèbre pour son travail sur les films de Jeunet ‘’Le fabuleux destin d’Amélie Poulain’’ et ‘’Un long dimanche de fiançailles’’. Son travail se résume le plus souvent à travailler une seule nuance de couleur par film et… c’est tout. Et cela joue un rôle dans la laideur du film. David Yates suit un raisonnement primaire : au prétexte que l’univers se veut plus noir qu’auparavant, Yates semble persuader qu’il faut au maximum ternir les images. Du coup, on se retrouve devant un film qui semble avoir été massacré pendant l’étape de l’étalonnage. Mais c’est quoi ça ? Où sont passées les couleurs ? Alors comme ça, quand on veut faire plus dark, on est obligé de désaturer à ce point les couleurs ? Tout le film est fait d’une bouillie visuelle grisâtre et blafarde, complètement hors de propos (les mangemorts n’ont quand même pas le pouvoir de kidnapper les couleurs). Tout est laid et uniforme. Quitte à mettre de côté à ce point les couleurs, pourquoi ne pas avoir tourné le film en noir et blanc (ou carrément en sépia)? L’esthétisme douteuse du film éclate par exemple dans les scènes de fête organisées par Slughorn. Sérieusement, qu’est-ce que c’est que cette teinte jaunâtre immonde qui sert de décor ? Ce jaune pisse n’est pas de circonstance pour aborder ce monde de sorciers : d’où l’erreur d’aller chercher ce chef-opérateur au répertoire très limité (NON, l’esthétisme à la Jeunet ne sied pas au monde d’Harry Potter!). Mais au-delà de ses visuels repoussants, ‘’Harry Potter et le prince de sang-mêlée’’ manque considérablement de finesse. On sent que Yates, en bon esclave qu’il est de la Warner a vu et revu le ‘’Dark Knight’’ de Nolan, film justement issu de la Warner. Le réalisateur en adoptant une mise-en-scène totalement uniforme (merci Delbonnel…) limite le champs d’intérêt que peut offrir le film. David Yates aurait dû faire comme son collègue Alfonso Cuaron : le Mexicain n’uniformisait ses couleurs et ses lumières que dans les scènes menaçantes. Le reste du temps, Cuaron avait recours à des couleurs basiques. Ainsi, cette double esthétisme permettait de renforcer l’impact des scènes sombres (style le match de quidditsh, qui était d’une noirceur inattendue). Mais être capable de jongler entre différents types de mises en scène (comme le faisait Cuaron et même Mike Newell) ne semble pas être à la portée de Yates, lequel visuellement reste sur une même ligne pendant tout le film. Tout est gris/ brunâtre. Du gris/ brunâtre à Poudlard. Du gris/ brunâtre chez les Weasley. Du gris/ brunâtre pour les scènes d’extérieures etc, etc. Si le réalisateur et son directeur de la photo avaient été un peu plus souples et un peu moins rigides avec les couleurs, peut-être que le film se serait parer d’une certaine poésie. Poésie présente dans la fort belle BO de Nicholas Hooper. Le compositeur livre un travail à l’opposé totale de celui qu’il avait proposé dans l’épisode précédent. Sa musique est tout simplement plus marquante. Après une partition sans saveur et décorative (celle de ‘’Harry Potter et l’Ordre du Phénix’’), Hooper nous offre des morceaux enfin mis en avant. Justement, sa musique vient en opposition total à la réalisation systématique de Yates. Elle est variée, offrant des compositions diverses, et convoquant de nombreux instruments (harpe romantique, choeur avec le très beau thème ‘’In Noctem’’ coupé au montage, percussions pour évoquer les violences commises par les mangemorts, sans oublier le tragique et célèbre ‘’Dumbledore’s farewell’’…). Le compositeur parvient donc à livrer une bonne copie. Difficile d’en dire autant concernant le fameux Stuart Craig. Ses décors sont vidés de leur ‘’substantifique moelle’’ à cause encore une fois de l’affreux travail effectué sur les couleurs en post-production par l’équipe technique. Non vraiment, la direction artistique est vraiment la verrue numéro une.
Le problème, c’est qu’il y a aussi une verrue numéro deux. Il s’agit de la calamiteuse adaptation de Steve Kloves. Ce dernier avait fait une pause pendant ‘’Harry Potter et l’Ordre du Phénix’’ et avait été remplacé par Michael Goldenberg. Revoilà donc Steve Kloves, qu’on pouvait légitimement croire de nouveau en forme. Et non. Apparemment, sa pause ne lui a pas fait que du bien. Car il fallait vraiment avoir l’esprit mal tourné pour bousiller à ce point le tome six de Rowling. Certes, on avait été habitué au travail de sagouin avec l’adaptation livré par Goldenberg. Mais à la décharge de Goldenberg, le livre cinq était archi-duraille à adapter (environ 1000 pages!). De plus, Michael Goldenberg n’était pas forcément familier avec l’univers Harry Potter. Kloves, cela fait quand même un moment qu’il bosse sur les livres de Rowling. Et cela fait il est vrai un moment qu’on s’est rendu compte de la médiocrité de ses adaptations. Quel est donc le point faible de Steve Kloves ? Et bien, cela semble se confirmer après le scénario d’ ‘’Harry Potter et la coupe de Feu’’, mais Steve Kloves n’a l’air de n’avoir rien à faire des antagonistes. Ainsi, après avoir supprimé tout ce qui concernait Barty Croupton Junior dans ‘’Harry Potter et la coupe de Feu’’, voici que Kloves nous puni une nouvelle fois en supprimant environ 60 % des informations concernant… pas moins que Voldemort lui même ! Le livre était en effet scandé par des scènes où Harry découvrait le passé de Voldemort : six souvenirs autour du passé de Jedusor nous était donnés. Et dans le film… deux seulement. Si le plus important des souvenirs est conservé (la révélation de l’existence des horcruxes), Kloves choisit d’enlever ceux traitant des origines de Tom Jedusor ! Et enlever ça, c’est tout simplement ruiner l’un des thèmes centraux de Rowling ! L’épisode précédent mettait en avait les ressemblances entre Harry et Voldemort. Comme en écho, Rowling décide dans le tome six de faire l’inverse en mettant en avant la principale différence entre ces deux Fourchelang. Là où Harry est un être capable d’aimer et d’être aimé, Voldemort est uniquement fait de haine. Dans le livre, on peut apprendre que Voldemort est issu d’une union non consenti, sans amour (pour une fois, le viol qui fit naître Voldemort est à l’initiative de la femme, laquelle ‘’força’’ via un philtre d’amour celle qu’elle aimait à lui faire un enfant). Voilà, ce simple fait-là explique tout Voldemort : c’était ce qu’il fallait à tout prix conserver pour comprendre la faiblesse de ce mage noir. Mais ça, c’était tellement passionnant que Kloves n’a même pas daigné en faire mention. Même les horcruxes, pourtant au centre des deux derniers tomes d’Harry Potter (le 6 et le 7) sont finalement peu creusés. Et à la place, qu’est-ce qu’on a ? Les torrides histoires de fesses de nos héros enamourés. Là par contre, Kloves s’en donne à coeur joie en mettant en avant ces nombreux flirts. Et là où ça fonctionnait dans le livre (car Rowling faisait preuve en captant les pensées d’Harry de tendresse et d’ironie à scruter ces amours adolescents), ça dégénère complètement dans le film. Toutes ces séquences sont insupportables, et surtout ultra-caricaturé. Et puis, ces séquences dans le livre trouvaient leur intérêt en s’opposant justement au passé de Voldemort. L’amour que ressent Harry est justement le plus parfait contre-pied à la haine que ressent Voldemort. Dans le film, vu qu’il n’y a pas réellement de point de vue sur le passé de Voldemort, les scènes romantiques n’ont qu’un intérêt limité. Limité en plus de mettre en avant des protagonistes à peu près mille fois moins intéressant que notre bon vieux Voldy (le triangle cucul la praline Ron/ Hermione/ Lavande et la figée Ginny délivrent des scènes absolument épouvantables). Oui, il fallait faire des coupes : depuis l’épisode 4, la taille des bouquins est en effet très conséquente. Mais quand même ! En plus d’insulter le travail de Rowling en coupant l’arc narratif de Voldemort, Kloves se permet d’incorporer au film des scènes non présentes dans le livre ! Et vlan ! Que je t’ouvre le film sur une attaque de mangemorts ( la scène était simplement mentionnée dans le livre) ! Et bam ! Que je te ressorte une autre attaque de mangemort, cette fois-ci sur le Terrier (et cette scène en plus de sortir de nul part est visuellement pourri, là où la séquence d’ouverture était plutôt impressionnante) ! Ces scènes ne servent qu’à une seule chose : remplir le quota d’action que se doit de faire un blockbuster. Et c’est pourquoi Kloves insert ces deux scènes… mais pour une raison totalement inconnue supprime la bataille finale à Poudlard !! Mais pourquoi ? Pourquoi mettre de l’action là où il n’y en a pas besoin ? Et pourquoi ne pas en mettre là où il en faut ? Sincèrement, on ne pouvait pas faire pire adaptation que celle-ci…
Terminons le calvaire sur la distribution. Pour les nouveaux, il n’y a pas grand-chose à dire. Le seul nouveau personnage qui a réellement quelque chose à défendre, c’est Slughorn. Et Dieu qu’il se défend bien le bougre ! Il faut dire que c’est l’excellent Jim Broadbent qui campe l’un des rares Serpentard sympathiques. Slughorn était déjà dans le livre un des bons points, il l’est de nouveau dans le film. Parmis les anciens acteurs, il faut constater que ceux qui les très expérimentés sont dans ce climat sombre et lourd de mieux en mieux dans les rôles. Michael Gambon interprète un Dumbledore qui, en dépit de ses aptitudes inouïes, semble plus faible, plus fragile. Et puis, il y a quelques scènes. Quelques scènes où le terriblement poignant Alan Rickman s’exprime. C’est dans ces moments là que Harry Potter acquis une dimension quasi-shakespearienne : quand un acteur génial rencontre un personnage tourmenté, ultra-ambigu. Et c’est dans ses trop courtes apparitions, qu’Alan Rickman transfigure le personnage de Rogue, personnage finalement mieux (grâce à l’acteur) dans les films que dans les livres. Cependant, tout s’effondre avec Daniel Radcliffe et Bonnie Wright. Les deux semblent avoir été transformés en statue de cire tellement ils sont inexpressifs. Et pour Radcliffe, ça va empirer avec les épisodes suivants. A côté, Rupert Grint et Emma Watson ne se débrouillent pas trop mal.
Au moins, il y a un intérêt : se dire qu’après ça, la saga Harry Potter ne pourra jamais faire pire. Car face à cette immonde esthétisme, face au pitoyable scénario, face à l’inégale distribution, ‘’Harry Potter et le prince de sang-mêlé’’ est une insulte faite au spectateur. David Yates en est le premier responsable. Ah et d’ailleurs, le prince de sang-mêlé et son influence sur Harry au travers le manuel de potion, et bien le film s’en fiche complètement !