"Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé" marque une petite révolution dans les aventures du sorcier à lunettes puisque, depuis le temps que les publicitaires annonçaient que son monde s'assombrissait, on commençait à se demander si cela se vérifierait un jour à l'écran, et c'est bien le cas ici : David Yates nous plonge dans une atmosphère triste et oppressante en jouant avec maestria sur les éclairages, les décors et les contrastes. Pour la première fois, Poudlard ne ressemble plus à un havre de paix dans lequel, malgré les dangers qui guettent les personnages, on pouvait constamment se sentir en sécurité. Les scènes sont donc très souvent d'une noirceur abyssale, et l'esthétique est sans conteste le gros point fort du film (cf. notamment les scènes se déroulant dans l'Allée des Embrumes, ou encore la sélection des joueurs de Quidditch qui montre le parc plus beau que jamais). Pour autant, il peut aussi s'agir du film le plus frustrant pour les fans des romans. En effet, il élude certaines des intrigues majeures du livre et fait plutôt passer les détails au premier plan. Ainsi, le scénario se concentre sur les émois amoureux du trio principal - intrigues amoureuses qui pourraient justement être risibles si l'esthétique n'était pas aussi aboutie et si le réalisateur ne nous rappelait constamment que le monde magique est sur le point de s'écrouler - et oublie de raconter les origines et le parcours de Voldemort, qui formaient après tout l'intérêt du roman. Il manque ainsi une partie non négligeable des scènes se déroulant dans la Pensine, et si certaines pouvaient effectivement être passées sous silence, d'autres étaient indispensables pour comprendre l'évolution du mage noir, ce qui est d'autant plus dommage que les extraits retenus font finalement partis des meilleurs moments du film (en particulier la scène de l'orphelinat, intense et démentielle). Il est donc difficile de comprendre exactement comment l'adolescent Jedusor est devenu l'adulte Voldemort, et certaines scènes plus tardives n'auraient donc pas été de trop - je ne peux d'ailleurs pas m'empêcher de penser que le Scorsese qui a réalisé "Shutter Island" aurait été le mieux placé pour réaliser ce film et notamment les passages manquants ; après tout, Voldemort n'est-il le fou criminel ultime ? Malgré ses deux heures et demie, le film semble donc un peu vain et, même si on ne s’ennuie pas, on a l'impression qu'il ne s'est finalement pas passé grand chose - mais c'était aussi un peu le cas avec les sept cent pages du roman. On peut alors légitimement se demander si "Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé" n'est pas un de ces films graphiques, à la manière de ceux de Zack Snyder, privilégiant plutôt la forme et le tape-à-l'œil que le fond...
Malgré tout, le film contient un grand nombre de passages savoureux et il serait dommage de lui en vouloir pour son esbroufe visuelle. Yates apprend même de ses erreurs
et rend la mort de Dumbledore tragique et d'une grande tristesse, là où celle de Sirius sombrait dans le ridicule dans l'opus précédent. Il est tout de même dommage de ne pas assister à l'enterrement du mage, ce qui aurait augmenté encore les émotions du spectateur. Cela dit, ce qui a été filmé est déjà très satisfaisant...
Le film, malgré les allures de teen-movie qu'il prend de temps en temps ou son ambiance sombre et désespérée, baigne aussi dans un humour assez présent, qu'on retient surtout dans la meilleure scène du long-métrage, à savoir l'enterrement d'Aragog, aussi absurdement drôle que visuellement belle.
À noter aussi la prestation de Tom Felton, peut-être la révélation du film, qui transforme son personnage jusqu'alors antipathique en un être attachant et tourmenté. Quant à la performance de Daniel Radcliffe, elle s'améliore un peu, ce qui n’était pas du luxe après le gouffre dans lequel il avait plongé dans le volet précédent.
Reste aussi la musique, composée par Nicholas Hooper, qui fait décidément regretter les partitions de John Williams. Décevante et facilement remplaçable, elle n'a pour fonction que de souligner la tristesse et l'amertume des personnages et est ainsi très éloignée de la magnificence des thèmes habituels de la saga. Une preuve de plus que l'on est à des lieues des débuts de "Harry Potter", pour le meilleur comme pour le pire...